Remarques sur 2 publications concernant les plantes aquatiques :
1. A propos de la
botanique dans l'article de
CHATENET, BOTINEAU, HAURY & GHELSTEM paru dans Acta Botanica Gallica  n° 147 (2)

2. Remarques sur le n° spécial "plantes aquatiques"  de la revue Ingénieries E.A.T. (fin 2008)


1. A propos de la botanique dans l'article de
CHATENET, BOTINEAU, HAURY & GHELSTEM
paru dans Acta Botanica Gallica  n° 147 (2)
Daniel Chicouène

En tant que personne m'intéressant à la botanique, voici mes remarques concernant certains aspects de l'article sus-désigné que je ne parviens pas toujours à comprendre. L'ensemble de l'article ne va pas être passé en revue mais certains points problématiques vont être soulignés, en particulier à partir du tableau de la page 163 intitulé "liste des abréviationsutilisées" (il manque manifestement un espace avant "utilisées").

Ce tableau comporte apparemment 3 groupes de 2 colonnes avec, dans l'ensemble, une première colonne de chaque groupe qui comporte moins d'abréviations que la suivante. Un des problèmes importants est la signification des abréviations contenues dans ces premières colonnes.

Dans le premier groupe de 2 colonnes, la partie "végétalisation" (mot que je n'ai trouvé dans aucun dictionnaire) comporte diverses énigmes. Dans certains cas j'essaye de rétablir, avec "bryoph" pour Bryophyta, "hydroph" pour hydrophytes (au sens admis depuis le XIXème siècle et en s'inspirant de ARBER et de COOK, ce sont les plantes aquatiques ou plantes ayant leurs "pousses feuillées" ou "organes chlorophylliens" végétatifs se développant normalement dans l'eau), "helop" pour hélophytes (terme explicite, créé par RAUNKIAER en 1904), mais pour "pl rivul" je ne parviens à rien, la partie amphibie non hélophyte de l'ensemble "Trachéophytes + lichens" mais cette hypothèse pose problème. La seule affirmation vraissemblable que l'on puisse faire est que les 3 dernières lignes désignent l'ensemble "Trachéophytes + lichens".

Une difficulté majeure est que ces 6 lignes font systématiquement un total de 100 dans le tableau 1 comme s'il s'agissait de classes disjonctives et complémentaires. C'est-à-dire que les algues et les Bryophyta n'appartiennent jamais aux 3 autres classes (par exemple les algues rencontrées ne sont jamais aquatiques). De plus les plantes aquatiques ne pourraient jamais passer une saison de repos végétatif par des bourgeons situés dans la "vase" ou disons plus généralement dans le substrat situé sous un plan d'eau, c'est-à-dire en hélophytes (par exemple Potamogeton sp. pl. en hiver).
Un titre manque pour les 5 dernières lignes ; l'omission est vraissemblablement "flore".

Pour les 2 autres groupes de colonnes, la hiérarchie des titres et donc le plan combinant écologie et taxonomie est énigmatique.
"végétation" signifie manifestement "flore"
Que signifie "aquatique" et "aquatiques strictes" pour les auteurs ?
Pour le groupe de colonnes du milieu ne figurent que des noms de Trachéophytes figurant dans Flora Europaea mais la référence de détermination manque. L'index de KERGUELEN est insuffisant, ne permettant pas de remonter à la source de la détermination et comportant des erreurs de correspondances entre ouvrages pour certains des taxons cités.
La présentation suggère au moins que les 17 lignes suivant "espèces aquatiques strictes" sont au moins des plantes aquatiques au sens habituel du terme. Dans cette liste, ne se trouvent que des Angiospermae, comprennant des Dicotyledonae et des Monocotyledonae selon Flora Europaea. On rétablira peut être que "omiophyllos" est "omiophyllus"et que "Littorelle" est "Littorella" au sens de Flora Europaea mais ces 2 espèces tendent à fleurir quand le plan d'eau se retire. Le taxon le plus problématique de cette liste est Rhynchospora alba car, pour toutes les personnes que j'ai interrogées et d'après mes observations, y compris en Limousin, c'est une plante (sec. Flora Europaea) hygrophile certes, mais typiquement terrestre ; faute de disposer de la référence de détermination utilisée, une interrogation sur une erreur de genre même est possible.

Le titre "espèces amphibies" désigne probablement au moins le reste de la colonne. On rétablira peut être que "scorpiodes" est "scorpioides" (au sens de Flora Europaea, j'ai tendance à considérer ce taxon comme calcicole mais il s'agit peut-être de l'ensemble du groupe, Myosotis lamottiana en particulier étant bien connu dans le Massif Central), "flamula" est flammula ; par contre, pour Epilobium tetragonum qui est une espèce présente surtout sur le ballast, sa qualification d'amphibie est peut-être à rétablir par Epilobium palustre, voire Epilobium obscurum (plus proche par la taxonomie mais au plus hygrophile, pas vraiment amphibie).

Quant au dernier groupe de colonnes, malgré la meilleure volonté, il semble impossible à raccorder au groupe de colonnes du milieu. On rétablira que "Plathypnidium" est "Platyhypnidium".
Dans le groupe de lignes intitulé "mousses" (peut-être les Bryopsida des botanistes), se trouve Plagiochila qui est un nom de genre d'hépatiques dans l'ouvrage cité en référence ; quant à l'espèce "Plagiochila porelloides", elle semble absente de l'ouvrage de référence à savoir AUGIER. Là, il est donc impossible de rétablir, peut-être y-a-t-il une erreur de taxon dans une base de données.

Dans la liste "lichens" se trouve Collema fluviatile. A ma connaissance, c'est une découverte pour le Massif Central, découverte qui remet en cause la biogéographie de cette espèce habituellement considérée comme montagnarde septentrionale. Les auteurs sous-estiment peut-être la portée de leur découverte. Une publication sur ce sujet pourrait être intéressante dans une revue de lichénologie, en indicant les stations de l'espèce.

Dans la liste "algues et cyanobactéries", on rétablira "Diaparnaldia" par Draparnaldia, "Stigeoclomium" par "Stigeoclonium", "Rhizoclomium" par "Rhizoclonium". Pour le dernier taxon (Chara sp.) la référence de détermination serait intéressante et sa présence en milieu acide à discuter (c'est plus original que Potamogeton nodosus sec. Preston car cette espèce n'est connue qu'en milieu acide en Bretagne (Claudine FORTUNE, confirmé par PRESTON, com. pers.).

Ainsi, le sens de nombreuses abréviations ne peut être obtenu avec la logique habituelle du botaniste. Le texte dans le reste de l'article est également parfois déconcertant pour un botaniste.

Les auteurs insistent dans la confusion entre taxonomie, forme biologique et écologie, avec à 2 reprises "disparition des hydrophytes au profit des bryophytes et algues" : qu'est-ce que les auteurs essayent de dire ?

p. 155 début du dernier § : la phrase ambiguë laisse comprendre que les 5 espèces citées sont des hélophytes alors que seule Sparganium erectum en est une d'après mes déterminations habituelles faites avec Flora Europaea ; par exemple, Polygonum hydropiper est habituellement une thérophyte estivale terrestre (n'y aurait-il pas confusion avec Polygonum amphibium ?).

p. 162, 2è § : Pourquoi opposer Phanérogames et Cryptogames (distinctions taxonomiques qui se rapportent à des critères de reproduction sexuée)alors qu'au moins certaines des espèces citées se propagent uniquement ou presque par voie végétative ?

En conclusion, les ambiguités énumérées quant aux abréviations (y aurait-il eu des erreurs dans la manipulation d'une base de données floristique et bibliographique ?), à la taxonomie et au sens du texte ne peuvent être levées que par un errata fait par les auteurs de l'article.
 

PS : à propos d'écologie dans cet article
Une énigme : comment passer de 10 classes de relevés (en figure 5) à 7 groupes dans le tableau 1 ?
Pour montrer la "complémentarité" entre les 2 méthodes, le protocole logique est que les résultats d'ACM à partir d'une matrice espèces x relevés sont une étape pour dépouiller la structure de la matrice qui devrait être présentée dans un tableau trié selon la typologie mise en évidence par l'analyse de données avec les "groupes" d'espèces et de relevés. Cette pratique avec les analyses de données a plusieurs décennies, certes malheureusement souvent limitée aux relevés (l'analyse scientifique des groupes d'espèces étant souvent omise). C'est une erreur de démarche.

Certaines données mésologiques sont peut-être à revoir ; par exemple, en colonne 7 du tableau 1, une rivière de 57 m de large ne dépasse pas 71 cm de profondeur : il y a propablement une erreur d'un facteur 10 quelque part.
% écoulement : comment à partir de 4 relevés et une estimation visuelle parvenir à 2 chiffres significatifs : la variabilité est nulle dans chaque groupe ? la profondeur des cours d'eau est discontinue ?
L'heure de mesure du pH ne figure pas.

p 161 avant-dernier § : Je ne cromprends pas pourquoi les auteurs imaginent que les macrophytes seraient moins influencées par le milieu physique quand il y a des pollutions ; ils n'argumentent pas leur propos. Pour ma logique, ce serait plutôt l'inverse s'il y a un effet.

p 162 dernière phrase : Que signifie "phytocénoses de référence" ?
p. 162 dernière phrase du dernier § : Que signifie "variabilité des taxons"?

p. 162, 2è §, dernier § : A propos de "biodiversité", justement BERNEZ (1999) a montré que les indices de biodiversité calculés à partir des hydrophytes sont mieux corrélés à la qualité de l'eau que les indices "macrophytes".

Le contenu du résumé est contraire aux résultats obtenus (montrant que le milieu physique est déterminant). En dernière ligne du résumé, le mot "intersection" ne conviendrait-il pas mieux que "somme" ?

Dans la bibliographie, la référence de BRAUN-BLANQUET est à revoir, et H. DANIEL n'a jamais fait de phytosociologie (contrairement à ce qui semblerait justifier cette référence en introduction seulement) mais il a étudié l'écologie des plantes aquatiques (ses principaux résultats ressemblent à ceux de l'analyse de données présentée ici, à savoir que le milieu physique est déterminant) sur une rivière avec de nombreuses pollutions.


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2. Remarques sur le n° spécial "plantes aquatiques"  de la revue Ingénieries E.A.T. (fin 2008)

Ce n° m'a semblé particulièrement déconcertant en termes d'honêteté dans les connaissances et d'intelligibilité.

En général, dans ce numéro :
A- Les mots clés ne sont pas expliqués (en particulier absence de comparaison entre plantes aquatiques et macrophytes) et il y a de nombreuses confusions dans la terminologie de base, dans les notions biologiques, et parfois taxonomiques, et il manque des recommandations de références pour le lecteur.

B- Le vocabulaire peut être incongru, en particulier avec une pléthore du terme "scientifique", employé dans des sens généralement énigmatiques, mais probablement une fois en contradiction avec les autres contextes de son emploi (p.128 "approches phytosociologiques généralement déconsidérées par la communauté scientifique").

C- Les titres des tableaux et figures sont peu ou pas compréhensibles (manque de mot-clés significatifs), ainsi que leur contenu.

Ex. de problèmes ponctuels :
1- (p.3) "durant des décennies,… milieux aquatiques… relativement délaissés par les botanistes… au dela de la limite d'une intervention d'une personne chaussée de bottes…" : les assecs, la plongée et les grapins ont pu être des moyens d'échantillonnage des hydrophytes, aussi on peut penser que c'est plutot en millénaires que cela se compte (cf. Théophraste) ; l'étude des algues glycophytes s'est surtout développée au début du 19è en France et en Europe.

2- "peu de scientifiques s'y sont intéressés… dans les flores des inexactitudes importantes et genantes (ex. non distinction entre les renoncules aquatiques) ont persisté jusqu'au milieu du XXè" les renoncules aquatiques connues actuellement en France ont pour la plupart été décrites au 18è, celle de description la plus récente dans ma bibliographie est du début du 19è ; aussi, il conviendrait de mettre 18è au lieu de 20è siècle.

3- "L'indice" (p.98-99) reste mystérieux : on ne sait pas comment il est calculé, ni comment les données historiques et parfois contradictoires avec des données récentes, ont été prises en compte.

4- Une lapalissade (p.109) avec les "macrophytes à potentiel proliférant… présentent en général un fort pouvoir couvrant" : en fait, c'est seulement une définition de ce chapitre ?

5- Une lacune conceptuelle majeure (p.135) à propos de la "régulation" car rien n'est indiqué sur les agents pathogènes, tant végétaux que animaux, notions datant pourtant de quelques siècles.

Les lecteurs non suffisamment avertis risquent d'être perdus dans ce domaine. Ce numéro nécessite donc de nombreuses corrections et révisions, entre autre dans la prise en compte de la bibliographie (ancienne et parfois récente).

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