Daniel Chicouène
En tant que personne m'intéressant à la botanique, voici mes remarques concernant certains aspects de l'article sus-désigné que je ne parviens pas toujours à comprendre. L'ensemble de l'article ne va pas être passé en revue mais certains points problématiques vont être soulignés, en particulier à partir du tableau de la page 163 intitulé "liste des abréviationsutilisées" (il manque manifestement un espace avant "utilisées").
Ce tableau comporte apparemment 3 groupes de 2 colonnes avec, dans l'ensemble, une première colonne de chaque groupe qui comporte moins d'abréviations que la suivante. Un des problèmes importants est la signification des abréviations contenues dans ces premières colonnes.
Dans le premier groupe de 2 colonnes, la partie "végétalisation" (mot que je n'ai trouvé dans aucun dictionnaire) comporte diverses énigmes. Dans certains cas j'essaye de rétablir, avec "bryoph" pour Bryophyta, "hydroph" pour hydrophytes (au sens admis depuis le XIXème siècle et en s'inspirant de ARBER et de COOK, ce sont les plantes aquatiques ou plantes ayant leurs "pousses feuillées" ou "organes chlorophylliens" végétatifs se développant normalement dans l'eau), "helop" pour hélophytes (terme explicite, créé par RAUNKIAER en 1904), mais pour "pl rivul" je ne parviens à rien, la partie amphibie non hélophyte de l'ensemble "Trachéophytes + lichens" mais cette hypothèse pose problème. La seule affirmation vraissemblable que l'on puisse faire est que les 3 dernières lignes désignent l'ensemble "Trachéophytes + lichens".
Une difficulté majeure est que ces 6 lignes font systématiquement
un total de 100 dans le tableau 1 comme s'il s'agissait de classes disjonctives
et complémentaires. C'est-à-dire que les algues et les Bryophyta
n'appartiennent jamais aux 3 autres classes (par exemple les algues rencontrées
ne sont jamais aquatiques). De plus les plantes aquatiques ne pourraient
jamais passer une saison de repos végétatif par des bourgeons
situés dans la "vase" ou disons plus généralement
dans le substrat situé sous un plan d'eau, c'est-à-dire en
hélophytes (par exemple Potamogeton sp. pl. en hiver).
Un titre manque pour les 5 dernières lignes ; l'omission est
vraissemblablement "flore".
Pour les 2 autres groupes de colonnes, la hiérarchie des titres
et donc le plan combinant écologie et taxonomie est énigmatique.
"végétation" signifie manifestement "flore"
Que signifie "aquatique" et "aquatiques strictes" pour les auteurs
?
Pour le groupe de colonnes du milieu ne figurent que des noms de Trachéophytes
figurant dans Flora Europaea mais la référence de détermination
manque. L'index de KERGUELEN est insuffisant, ne permettant pas de remonter
à la source de la détermination et comportant des erreurs
de correspondances entre ouvrages pour certains des taxons cités.
La présentation suggère au moins que les 17 lignes suivant
"espèces aquatiques strictes" sont au moins des plantes aquatiques
au sens habituel du terme. Dans cette liste, ne se trouvent que des Angiospermae,
comprennant des Dicotyledonae et des Monocotyledonae selon Flora Europaea.
On rétablira peut être que "omiophyllos" est "omiophyllus"et
que "Littorelle" est "Littorella" au sens de Flora Europaea mais ces 2
espèces tendent à fleurir quand le plan d'eau se retire.
Le taxon le plus problématique de cette liste est Rhynchospora alba
car, pour toutes les personnes que j'ai interrogées et d'après
mes observations, y compris en Limousin, c'est une plante (sec. Flora Europaea)
hygrophile certes, mais typiquement terrestre ; faute de disposer de la
référence de détermination utilisée, une interrogation
sur une erreur de genre même est possible.
Le titre "espèces amphibies" désigne probablement au moins le reste de la colonne. On rétablira peut être que "scorpiodes" est "scorpioides" (au sens de Flora Europaea, j'ai tendance à considérer ce taxon comme calcicole mais il s'agit peut-être de l'ensemble du groupe, Myosotis lamottiana en particulier étant bien connu dans le Massif Central), "flamula" est flammula ; par contre, pour Epilobium tetragonum qui est une espèce présente surtout sur le ballast, sa qualification d'amphibie est peut-être à rétablir par Epilobium palustre, voire Epilobium obscurum (plus proche par la taxonomie mais au plus hygrophile, pas vraiment amphibie).
Quant au dernier groupe de colonnes, malgré la meilleure volonté,
il semble impossible à raccorder au groupe de colonnes du milieu.
On rétablira que "Plathypnidium" est "Platyhypnidium".
Dans le groupe de lignes intitulé "mousses" (peut-être
les Bryopsida des botanistes), se trouve Plagiochila qui est un nom de
genre d'hépatiques dans l'ouvrage cité en référence
; quant à l'espèce "Plagiochila porelloides", elle semble
absente de l'ouvrage de référence à savoir AUGIER.
Là, il est donc impossible de rétablir, peut-être y-a-t-il
une erreur de taxon dans une base de données.
Dans la liste "lichens" se trouve Collema fluviatile. A ma connaissance, c'est une découverte pour le Massif Central, découverte qui remet en cause la biogéographie de cette espèce habituellement considérée comme montagnarde septentrionale. Les auteurs sous-estiment peut-être la portée de leur découverte. Une publication sur ce sujet pourrait être intéressante dans une revue de lichénologie, en indicant les stations de l'espèce.
Dans la liste "algues et cyanobactéries", on rétablira "Diaparnaldia" par Draparnaldia, "Stigeoclomium" par "Stigeoclonium", "Rhizoclomium" par "Rhizoclonium". Pour le dernier taxon (Chara sp.) la référence de détermination serait intéressante et sa présence en milieu acide à discuter (c'est plus original que Potamogeton nodosus sec. Preston car cette espèce n'est connue qu'en milieu acide en Bretagne (Claudine FORTUNE, confirmé par PRESTON, com. pers.).
Ainsi, le sens de nombreuses abréviations ne peut être obtenu avec la logique habituelle du botaniste. Le texte dans le reste de l'article est également parfois déconcertant pour un botaniste.
Les auteurs insistent dans la confusion entre taxonomie, forme biologique et écologie, avec à 2 reprises "disparition des hydrophytes au profit des bryophytes et algues" : qu'est-ce que les auteurs essayent de dire ?
p. 155 début du dernier § : la phrase ambiguë laisse comprendre que les 5 espèces citées sont des hélophytes alors que seule Sparganium erectum en est une d'après mes déterminations habituelles faites avec Flora Europaea ; par exemple, Polygonum hydropiper est habituellement une thérophyte estivale terrestre (n'y aurait-il pas confusion avec Polygonum amphibium ?).
p. 162, 2è § : Pourquoi opposer Phanérogames et Cryptogames (distinctions taxonomiques qui se rapportent à des critères de reproduction sexuée)alors qu'au moins certaines des espèces citées se propagent uniquement ou presque par voie végétative ?
En conclusion, les ambiguités énumérées
quant aux abréviations (y aurait-il eu des erreurs dans la manipulation
d'une base de données floristique et bibliographique ?), à
la taxonomie et au sens du texte ne peuvent être levées que
par un errata fait par les auteurs de l'article.
PS : à propos d'écologie dans cet article
Une énigme : comment passer de 10 classes de relevés
(en figure 5) à 7 groupes dans le tableau 1 ?
Pour montrer la "complémentarité" entre les 2 méthodes,
le protocole logique est que les résultats d'ACM à partir
d'une matrice espèces x relevés sont une étape pour
dépouiller la structure de la matrice qui devrait être présentée
dans un tableau trié selon la typologie mise en évidence
par l'analyse de données avec les "groupes" d'espèces et
de relevés. Cette pratique avec les analyses de données a
plusieurs décennies, certes malheureusement souvent limitée
aux relevés (l'analyse scientifique des groupes d'espèces
étant souvent omise). C'est une erreur de démarche.
Certaines données mésologiques sont peut-être à
revoir ; par exemple, en colonne 7 du tableau 1, une rivière de
57 m de large ne dépasse pas 71 cm de profondeur : il y a propablement
une erreur d'un facteur 10 quelque part.
% écoulement : comment à partir de 4 relevés et
une estimation visuelle parvenir à 2 chiffres significatifs : la
variabilité est nulle dans chaque groupe ? la profondeur des cours
d'eau est discontinue ?
L'heure de mesure du pH ne figure pas.
p 161 avant-dernier § : Je ne cromprends pas pourquoi les auteurs imaginent que les macrophytes seraient moins influencées par le milieu physique quand il y a des pollutions ; ils n'argumentent pas leur propos. Pour ma logique, ce serait plutôt l'inverse s'il y a un effet.
p 162 dernière phrase : Que signifie "phytocénoses de
référence" ?
p. 162 dernière phrase du dernier § : Que signifie "variabilité
des taxons"?
p. 162, 2è §, dernier § : A propos de "biodiversité", justement BERNEZ (1999) a montré que les indices de biodiversité calculés à partir des hydrophytes sont mieux corrélés à la qualité de l'eau que les indices "macrophytes".
Le contenu du résumé est contraire aux résultats obtenus (montrant que le milieu physique est déterminant). En dernière ligne du résumé, le mot "intersection" ne conviendrait-il pas mieux que "somme" ?
Dans la bibliographie, la référence de BRAUN-BLANQUET est à revoir, et H. DANIEL n'a jamais fait de phytosociologie (contrairement à ce qui semblerait justifier cette référence en introduction seulement) mais il a étudié l'écologie des plantes aquatiques (ses principaux résultats ressemblent à ceux de l'analyse de données présentée ici, à savoir que le milieu physique est déterminant) sur une rivière avec de nombreuses pollutions.
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