NOTE SUR LA MORPHOLOGIE FORMELLE DE CALDESIA SP.
DANS LE CENTRE DE LA FRANCE
(dernière mise à jour 2008)

Daniel CHICOUENE

Mots-clés additionnels : organographie comparée, biométrie, architecture végétale, Flora Europaea, Alismataceae

Résumé :
Une description morphologique et architecturale de Caldesia sp. est entreprise face aux divers problèmes taxonomiques, écologiques, biogéographiques rencontrés dans la littérature récente. Les observations portent sur des plantes adultes, in situ et en herbier. D'après son architecture, Caldesia sp. semble être généralement une plante pérenne qui repasse obligatoirement par une architecture juvénile chaque année, quel que soit son mode de multiplication. Les dimensions réduites de la tige dans les turions rappellent ce qui se passe avec une graine ; l'ontogenèse, sans structures secondaires, est monopodiale et donc en rosette. Les problèmes de détermination sont évoqués, en particulier par rapport à Flora Europaea. Les conséquences de la morphologie du matériel étudié pour envisager des études écologiques à différentes échelles spatio-temporelles sont discutées.
 

Additional keywords : comparative organography, biometry, vegetal architecture, Flora Europaea, Alismataceae

Summary : Note on the formal morphology of Caldesia sp. in the central region of France
A morphological and architectural description of Caldesia sp. was undertaken after meeting various taxonomic, ecological and bio-geographical problems in recent literature. Observations relate to adult plants, growing in situ, and to herbarium specimens. After studies of plant architecture, Caldesia sp. seems generally to be a perennial plant that transits by a juvenile structural phase each year, notwithstanding different modes of multiplication. The reduced stem dimensions of the turions remind one of what could happen with a seed ; the ontogenesis, without secondary structures is monopodial and thus in rosette form. Identification problems are raised, particularly with respect to Flora Europaea. The conclusions of the morphological studies are used to discuss possible ecological studies at different spatio-temporal levels.
 
 

I. INTRODUCTION

Caldesia Parlatore est un genre d'Alismataceae qui ne comporte qu'une espèce dans Flora Europaea (HEYWOOD & DANDY, 1980), à savoir Caldesia parnassifolia (L.) Parl. La description y est quelque peu floue ; la forme des limbes y est un critère de genre alors que d'autres espèces du genre sont décrites sur la base de la forme des limbes en particulier. De plus, la description est controversée sur certains caractères (présence ou absence de rhizomes et stolons, forme des limbes, type d'inflorescence,...) en comparant à des références de France métropolitaine pour le taxon de même nom (tableau I). Dans cette entité administrative, des taxons infraspécifiques sont signalés d'après les formes des feuilles et la présence de fleurs ou de turions selon que la plante pousse dans l'eau ou hors d'eau ; ce sont : var. terrestris A.-G. par FOURNIER (1961), et dubium par ROUY, 1913 ("Alisma parnassifolium var. ß dubium Nob. ; A. dubium Willd. ; Caldesia parnassifolia A. dubia A. et Gr. ; forma natans Glück"). Plusieurs espèces sont décrites ailleurs dans le monde. Les problèmes taxonomiques sont importants et vont de pair avec les descriptions morphologiques.

Des ouvrages de déterminations comportent des contradictions entre eux sur certains aspects architecturaux (tels que la présence ou l'absence de rhizomes) et biologiques (en particulier sur la durée de vie). Comme le soulignent OTTO-BRUC & al. (2001), certains auteurs qualifient ce taxon d'annuel, d'autres auteurs de pérenne. La biologie d'un taxon européen appelé Caldesia parnassifolia est précisée par GLUCK (cité par ARBER, 1920) et ARBER (loc. cit.) dans son étude de morphologie évolutioniste ; la plante s'adapte à des niveaux d'eau estivaux forts variables et est qualifiée d'amphibie (non hydrophyte s.s.) comme toutes les Alimataceae qu'elle a étudiées.

Selon les auteurs, le statut en France métropolitaine du genre ou de l'espèce va depuis la relique du Cénozoïque (cf. OTTO-BRUC & al., loc. cit.) jusqu'à celui d'adventice (AYMONIN, 1992) envahissant des étangs artificiels. Un débat s'articule également sur les variations de populations à l'échelle du siècle (OTTO-BRUC & al., loc. cit.). Au cours d'une saison, OTTO-BRUC & al. (loc. cit.) considèrent les populations comme relativement stables ; toutefois, une difficulté pour comparer les années est le protocole d'évaluation des populations qui suppose une certaine standardisation prenant en compte la biologie et l'architecture de l'espèce.

De même, dans les études d'autoécologie vis-à-vis de descripteurs biotiques ou abiotiques des stations, le problème du type de données comparatives se pose. OTTO-BRUC & al. (loc. cit.) utilisent directement l'effectif par étang (qui dépend en toute logique de la dimension des étangs), sans fournir de justification. Pour cela, la notion d'individu utilisable a besoin d'être clarifiée.

Compte tenu de toutes les difficultés taxonomiques, biologiques, biogéographiques et écologiques rencontrées dans la bibliographie, une description morphologique rigoureuse s'impose. C'est aussi un préalable à une mise en place d'études démographiques ; il faut comprendre le fonctionnement architectural du taxon ou des taxons alors que le sujet est controversé. C'est l'objet de ce travail réalisé sur des échantillons du Centre de la France.
 
 

II. METHODOLOGIE


Les données examinées ont 2 types d'origine :
- d'une part, la consultation de 30 individus dans des herbiers du milieu du XIXème siècle : l'herbier de France de Godron (au Conservatoire Botanique National de Nancy), l'herbier du Centre de la France de A. Boreau (au Musée Botanique d'Angers) et l'herbier de l'Ouest de la France de J. Lloyd (au Musée Botanique d'Angers) ;
- d'autre part, des observations à l'étang Mouton sur la commune de Migné dans le Parc Naturel Régional de la Brenne en septembre 2000.
Cette station comporte un substrat limono-sableux (d'après une appréciation tactile). Le matériel peut être défini à l'état végétatif en particulier par : des feuilles en rosette ; des limbes caractérisés flottants ovales, à base cordée. La plante est repérée à des profondeurs du plan d'eau de 1 à 3 dm. Le milieu apparaît ouvert en observant au dessus du plan d'eau (coefficient d'abondance-dominance de Braun-Blanquet de 2 dans les espaces vitaux de 1 m2) ; en plus des plantes submergées dont le recouvrement n'a pu être observé à cause de la turbidité de l'eau (Ceratophyllum et Myriophyllum en particulier) sont présentes.
Les observations morphologiques d'individus sont diverses. Sur le terrain, après écartement de la végétation appartenant à d'autres espèces, la morphologie externe est examinée en place. Des touffes sont soulevées à la bêche (y compris les organes souterrains) et une partie du substrat est dégagée autour du plateau de tallage et de quelques racines caractérisées. Des individus en épaves (à racines coupées par des animaux) sont observés en détail. Les résultats sont comparés aux échantillons d'herbiers sur lesquels la qualité d'observation est variable selon les organes.
Le vocabulaire descriptif de l'architecture caulinaire suit le glossaire de CHICOUENE (1998 a).
 
 

III. RESULTATS

Toutes les plantes observées dans les planches d'herbier et sur le terrain sont des adultes, en fin de végétation. Les inflorescences sont absentes sur le terrain. Les différents organes sont passés en revue ci-après.

1. LE SYSTEME CAULINAIRE
Le système caulinaire végétatif possède généralement 2 ordres de ramifications. La tige principale est orthotrope ; elle possède surtout une zone court-nouée (feuilles en rosette). Sa base est en cône renversé (l'origine est une graine ou un turion), de diamètre basal de l'ordre de 1/2 mm et de diamètre supérieur de plusieurs mm, voire 1 cm.
Le tallage est intravaginal ; il est de l'ordre de 5 talles par touffe. Certains bourgeons se sont développés en tiges allongées plagiotropes (diagéotropes), c'est-à-dire qu'il y a épinastie ; ce sont des stolons (tiges plagiotropes non souterraines) mésomorphes, de quelques dm de long pour quelques mm de diamètre à leur base.
Les tiges allongées, qu'elles soient végétatives ou inflorescentielles, portent des branches selon une silhouette pyramidale à indice de largeur (tel que défini par CHICOUENE, 1998 b, exprimant l'angle d'ouverture de la pyramide indépendamment de la longueur d'inflorescence) de 1/3 à 1/2 ; ces tiges sont de type "hampe" c'est-à-dire que l'entre-noeud basal est le plus long et c'est le seul allongé situé sous l'inflorescence ; la longueur des entre-noeuds suit une suite géométrique de raison 1 1/2 en moyenne.
Les inflorescences ont un ou deux ordres de ramifications dans l'herbier de Boreau qui est le plus fourni (avec 9 planches d'environ 3 échantillons chacune) ; les plus chétives ont un seul ordre de ramifications, 3 étages et la hampe à un diamètre de 2-3 mm à 1 cm de hauteur ; les inflorescences les plus vigoureuses ont 2 ordres de ramifications (présentes sur 8 planches de l'herbier de Boreau), jusqu'à 6 étages et un diamètre de hampe à 1 cm de 3-4(-9) mm. Les infrutescences mesurent de 1 à 2 dm de longueur.

2. LES FORMES DES FEUILLES
La rosette de la tige principale porte seule des feuilles vivantes complètes (c'est-à-dire avec gaine, pétiole et limbe) dans sa partie supérieure ; les noeuds de la base (en particulier au niveau du cône renversé) ont perdu leurs feuilles. Ainsi, les feuilles semblent se renouveler au cours de la saison de végétation.
Le passage entre gaine et pétiole est progressif, situation classique dans la famille des Alismataceae. La longueur du pétiole dépend, dans une certaine mesure au moins, de la profondeur d'eau (tableau I).
 
Tableau I : différences de conceptions entre auteurs pour des caractères de Caldesia sp.
Table I : different authors conceptions for characteristics of Caldesia sp.
  Flora Europaea Différence dans des références françaises
Tiges plagiotropes Rhizomes et stolons implicitement absents car ils sont évoqués pour les autres genres d'Alismataceae qui en possèdent (Sagittaria, Baldellia, Luronium) mais pas pour Caldesia ROUY : " rhizomes "

COSTE : " souche fibreuse émettant des tiges rampantes à bourgeons feuillés et vivipares en formes de stolons "

Types de feuilles " Flottantes ou aériennes "  ROUY : " b. dubium : feuilles primaires linéaires, rubannées, les suivantes nageantes "
FOURNIER : " flottantes " ; " feuilles dressées : endroits asséchés "
Forme générale des limbes  " Ovales à elliptiques " COSTE : " largement ovales-orbiculaires "
Forme de la base des limbes " cordés à subcordés " COSTE : " profondément en cœur "
Type d'inflorescence " Grappe ou panicule " FOURNIER : " inflorescence à rameaux presque tous uniflores "
carpelles " 3-5 côtes "  COSTE : " 5-7 côtes "

La forme des limbes flottants est un critère important de détermination en l'absence d'inflorescence, que ce soit pour le genre ou pour l'espèce. L'allongement des limbes est de (1,2-)1,3(-1,4) sur une population de limbes de 3-4 cm de large sur le terrain ; il n'y a pas de limbes aériens. Dans les herbiers, les individus semblant émergés ont des limbes plus courts (tableau I). Le plus grand limbe rencontré est dans l'herbier de Lloyd, avec 9 x 7,3 cm.

La base des limbes flottants, unanimement qualifiée de cordée (COSTE, 1906 ; FOURNIER, 1961 ; DANDY, 1980) ou d'arrondie (ROUY, 1912) est précisée par la biométrie : sur la même population, le rapport entre la longueur et la largeur des oreillettes est compris entre 0,4 et 0,8 (0,5 étant l'arrondi idéal). Cet allongement des oreillettes variant du simple au double est a priori sans relation avec la dimension des limbes sur la population étudiée in situ. Elles représentent 1/5 à 1/4 de la longueur totale du limbe. Les oreillettes sont dans le prolongement du reste du limbe ; autrement dit, elles sont parallèles. En herbier, leur variabilité est plus élevée ; elles semblent quasiment absentes chez les individus émergés (qui ont aussi un indice d'allongement des limbes plus faible).

Le sommet des limbes (dans le quart supérieur) a une ouverture supérieure ou égale à un angle droit. L'apex a tendance a être en angle droit sur les plantes émergées, et arrondi chez les limbes flottants (tableau II).
 
Tableau II : essai de typologie des formes extrêmes de limbes adultes rencontrés dans les 3 herbiers (environ 100 feuilles sur 30 individus fertiles) pour Caldesia sp.
Table II : an attempt at the typology of extreme forms of adult leaf limbs found in the 3 herbarium collections (about 100 leaves from 30 fertile individuals) for Caldesia sp.

petits individus
grands individus
pétioles
1/2 - 1 dm
1-3 dm
longueur du limbe 
1 1/2 cm
1/2 dm
allongement du limbe 
1,1-1,2
1,3-1,4
apex (1/4 supérieur)
angle droit
arrondi
allongement des oreillettes 
0,3
0,5-0,7
orientation des oreillettes
(d'après les bords internes)
divergentes :
angle de 90-120°
parallèles ou convergentes (bords internes se recouvrant sur 1-2 mm)

Les cataphylles sont des gaines chlorophylliennes, présentes sur les tiges allongées, comme bractées (dans l'inflorescence) ou axillant les turions sur les tiges plagiotropes, et constituant la partie externe des turions.

3. LA PHYLLOTAXIE
Dans la rosette adulte, la disposition des feuilles est spiralée (l'angle de divergence est voisin de 2/5). Dans les turions, elle semble plutôt distique mais ici aussi des observations plus précises seraient nécessaires.
Sur les tiges allongées, la disposition est verticillée ou pseudoverticillée, généralement par 3, avec concomitamment 3 branches par verticille. Toutefois, dans l'herbier de Boreau, un individu possède jusqu'à 8 branches par verticille.

4. LE SYSTEME RACINAIRE
Les racines sont insérées sur la tige, dans la partie inférieure de la rosette, surtout le long du cône renversé. Les racines caractéristiques de l'individu adulte, insérées les plus haut, font 2 à 3 dm de long pour 1(- 1 1/2) mm de diamètre près de leur insertion. A la base du cône, ce sont de petites racines (longues de quelques cm et à diamètre inférieur à 1/2 mm), probablement mortes.

5. LA CONSTITUTION DES TURIONS
Le turion apparait comme un bourgeon de 1 à 1 1/2 cm x 3/4 cm, dormant, sessile et caduc. Il est produit à l'aisselle d'une cataphylle située sur des tiges allongées. C'est une rosette à pièces toutes chlorophylliennes ; la tige a un diamètre de l'ordre de 1/2 mm ; elle porte extérieurement des cataphylles, puis des feuilles un peu plus courtes que le turion (les 3/4) à gaine moitié plus courte surmontée d'une pièce linéaire (réprésentant un pétiole et/ou un limbe non élargi). Il n'y a pas d'organe tubérisé, ni de racines.
Bref, c'est une petite tige, portant de petites feuilles. Ainsi, le cycle annuel probable, tant par graine que par turion, consiste à repasser par une phase juvénile chaque année ; cette phase juvénile correspond à un type de développement monopodial, sans structures secondaires (cf. CHICOUENE, 1997) ; sa phase végétative est par conséquent en rosette. Tous les organes végétatifs de la plante semblent vivre moins d'un an.
Avec une production de l'ordre de 100 turions par touffe de vigueur moyenne, la population étudiée semble donc soumise à des variations d'effectifs importants au cours de l'année. Pour envisager la démographie, des aspects sont à hiérarchiser ; les turions ne servent probablement qu'entre 2 saisons de végétation alors que les graines se conservent peut-être plusieurs années ; les talles ne servent qu'à l'intérieur d'une saison de végétation.
 
 

IV. DISCUSSION


1. PROBLEMES DE DETERMINATION ET DE DESCRIPTION
Pour la détermination, les descriptions rencontrées dans les "flores" se limitent à l'adulte dont le feuillage est uniquement celui qui est caractérisé. De plus, souvent seule la phase végétative est disponible, ce qui est une difficulté supplémentaire pour la détermination. De nombreuses descriptions sont insuffisantes dans la littérature. Compte tenu des disparités des descriptions de l'espèce indiquée et de l'existence d'espèces voisines, proposer une méthodologie de détermination n'est pas évident.

La diagnose de Linné (cf. OTTO-BRUC & al., 2000) pose problème par la "floraison dans l'eau" alors que le matériel de Brenne semblerait mieux fleurir s'il y a peu, voire pas d'eau libre ; et dans tous les cas l'inflorescence est aérienne.
 

BOREAU (1857) fournit 15 caractères morphologiques pour Alisma parnassifolia. En ce qui concerne l'architecture, cet auteur rapporte une "racine fibreuse n'offrant pas de collet renflé globuleux", différence par rapport à certaines espèces voisines, Alisma Plantago et A. lanceolatum (restées dans le genre Alisma dans Flora Europaea où leurs descriptions sont floues et moins précises que celles faites par BOREAU).

Parmi la littérature citée, pour Alisma parnassifolia ou Caldesia parnassifolia, les autres références sont à l'origine de difficultés qui sont passées en revue ci-après.

Le terme "rhizome", employé par certains auteurs, soit correspond à un polymorphisme (certains individus étant pourvus de tiges souterraines non rencontrées dans la présente étude), soit est utilisé dans un sens énigmatique, désignant éventuellement les tiges plagiotropes aquatiques.

COSTE (1906) décrit une "souche" dont l'existence n'a pu être vérifiée sur les plantes observées dans la présente étude. Dans la clé des espèces, la forme de l'inflorescence est précisée pyramidale par cet auteur pour Alisma plantago, ce qui sous entend implicitement une forme différente pour Alisma parnassifolia qui est située au même noeud de la clé ; pourtant dans les planches des divers herbiers consultés, elle est pyramidale chez ces 2 "espèces".

FOURNIER (1961) avec l'expression "inflorescence à rameaux presque tous uniflores", ne met pas en évidence une variation possible du nombre d'ordres de ramifications selon les inflorescences. L'existence de grappes (c'est-à-dire à un ordre de ramifications) et de panicules simples (à 2 ordres vers la base de l'inflorescence) selon les talles dans les planches étudiées coïncide avec les termes "racemes or panicles" pour le genre Caldesia dans Flora Europaea.

Par rapport à Flora Europaea qui fournit des listes de caractères différentes selon les genres et les espèces d'Alismataceae, des corrections sont manifestement nécessaires tant pour le genre, que pour la seule espèce de Caldesia y figurant.
Pour le genre, les problèmes sont nombreux :
- rien n'est précisé sur la durée (mais "pérenne" est indiqué pour le genre Damasonium), ni sur les tiges plagiotropes ; "stoloniferous" est mentionné pour Sagittaria (qui possède d'après nos observations des rhizomes ou tiges plagiotropes souterraines, extravaginaux, mais pas de stolons) ; une erreur de mise en page est possible ;
- l'expression "feuilles flottantes ou aériennes" est à nuancer car les limbes aériens ne semblent exister qu'en l'absence de plan d'eau (comme le précise FOURNIER, loc. cit., -cf. tableau I) ;
- l'expression "feuilles ovales ou elliptiques" est à revoir ; d'une part ce sont probablement plus des critères d'espèce, d'autre part, la forme "elliptique" correspond probablement seulement à des limbes submergés, situés plutôt sur les individus en phase végétative ;
- la qualification de "feuilles cordées ou subcordées" est quelque peu vague ; ainsi elles sont "profondément en coeur" pour COSTE.
Pour l'espèce, l'expression "feuilles jusqu'à 6 x 4 cm" pose problème : les alternatives nous semblent soit "limbe d'environ 6 x 4 cm", soit la distinction d'autres espèces susceptibles d'avoir des limbes 2 fois plus grands qu'indiqué pour Caldesia parnassifolia.

Parallèlement aux problèmes de détermination, une question est de savoir combien de taxons seraient à distinguer en Brenne.
La forme des limbes serait un caractère important. Certes, l'indice d'allongement des limbes obtenu par OTTO-BRUC & al. (loc. cit.) , serait de 1,3 (en faisant le rapport 5 cm / 3,8 cm), c'est-à-dire coïncidant avec nos observations de terrain. Mais ces données correspondent à des situations précises de niveaux d'eau et de climat. La diversité des formes de feuilles observée en herbier porte sur la longueur des pétioles, la forme des limbes, la forme des oreillettes (allongement et angle entre elles). Certaines de ces variations, tout comme la présence de tiges allongées de 2 types, semblent liées au niveau de l'eau.
La part de variabilité de ces caractères à imputer à l'eau est insuffisamment connue ; la question d'accomodats et/ou d'un polymorphisme génétique est posée. Les caractères retenus pour les taxons infraspécifiques repris par certains auteurs pour la France métropolitaine dépendent du niveau d'eau en se basant sur les mentions de ARBER (1920) ; ce sont peut-être des accomodats, sujet discuté ci-après.

2. ECOLOGIE ET BIOLOGIE PAR RAPPORT AUX NIVEAUX D'EAU
Cette plante de tendance amphibie possède soit des accomodats, soit des écotypes ou des variations clinales de possible valeur taxonomique comme celle retenue par ROUY (1912) et par FOURNIER (1961). Ce problème se pose de la même manière que pour Baldellia ranunculoides qui, d'après ARBER (loc. cit.), développe des stolons au dépend des inflorescences en cas de croissance dans les hauteurs d'eau les plus importantes ; ainsi certains auteurs récents distinguent bien une sous-espèce pour Baldellia ranunculoides (retenue dans le tableau de OTTO-BRUC & al., loc. cit.) en fonction de l'adaptation aux courbes de niveau d'eau vernal ou estival.
La tendance possible du cycle est un comportement de plante annuelle en cas d'exondation et d'été chaud (les tiges allongées ne produisant que des graines) jusqu'à un aspect de pérenne si elle est très inondée (les tiges allongées ne produisant que des turions). Cette possibilité peut être une interprétation des contradictions apparentes entre auteurs à propos de la durée de vie des individus. Les relations entre températures et niveaux d'eau mériteraient aussi une étude par rapport au déterminisme du type de tige allongée et de l'éventuel conditionnement plagiotropique.

3. APPORTS POSSIBLES DE LA MORPHOLOGIE A L'ETUDE DES POPULATIONS DE CALDESIA
Pour étudier les variations de populations à différentes échelles d'espaces et de temps, entre autre avec leur régulation au cours des saisons, il faut adapter la prise en compte de la morphologie à chacune de ces situations.

diagnostic des populations
Les comportements de stations ou d'étangs entre 2 années consécutives et/ou en relation avec des descripteurs mésologiques peuvent être comparés par les variations interannuelles, à stade phénologique identique. Pour cela différents paramètres sont susceptibles d'être notés.
La notion d'individu sert à diagnostiquer les populations par l'effectif ou la densité. En saison de végétation, l'individu provient d'une tige en cône renversé qui finit par produire des talles, l'aboutissement étant une "touffe" dense. Les individus sont bien délimités sauf si des talles se dispersaient après un accident sur la tige principale. Pour repérer les individus, il faut donc se baser sur les plateaux de tallage au fond de l'eau. La propagation végétative radiale par rhizome qui pourrait compliquer la situation n'existe pas sur les populations étudiées. En saison de repos, les individus sont les turions et les graines.

Avec les effectifs, il semble difficile de faire abstraction de la dimension de l'aire prospectée tel qu'un raisonnement simplement en nombre d'individus par étang pour faire de l'écologie. Les résultats doivent pouvoir être dépouillés par des diagrammes de dispersion des stations par rapport au descripteur et à la densité. Que la densité soit évaluée par dénombrements ou par échelles densitaires (de type log. généralement), l'échantillonnage de stations peut s'envisager par 2 solutions :
- l'effectif dans l'étang ramené à la dimension totale de l'étang ou à la surface de profondeur d'eau potentiellement favorable,
- l'évaluation dans des emplacements permanents comparatifs entre étangs.

Des méthodes polyvalentes comme les échelles de fréquence (telles que celle de CHICOUENE, 1997) et la densité de végétation évaluée par le recouvrement (par appréciation visuelle déjà) sont rapides, permettant ainsi de recueillir des données sur un maximum d'étangs par rapport au temps d'échantillonnage.

Les méthodes d'évaluation et de comparaison par séries des variations entre 2 années consécutives à l'échelle régionale peut reposer sur les matrices d'échelles de recouvrement d'une année en fonction de la précédente.

Au niveau de la phytogéographie régionale et des variations de fréquence à différentes échelles, il convient de rechercher une méthode correcte de dépouillement ou de présentation des résultats.
La matrice des variations interannuelles (niveau une année en fonction du niveau de l'année précédente) d'effectifs ou déjà simplement d'abondance-dominance à stade identique (vers la fin de saison de végétation) dans des stations permanentes (CHICOUENE, 1997). Cette méthode reste très descriptive mais permet quand même de vérifier une diversité de comportements des stations, voire une causalité si des descripteurs de milieu sont utilisés en complément (sous la forme de séries de données par exemple). L'étude du turn-over possible de stations à l'échelle régionale suppose de suivre des stations où le taxon est absent au début. Cet aspect ne doit pas être négligé car il peut être indispensable à la survie régionale d'une telle plante "pionnière" en fonction des événements intervenant dans la gestion (par exemple l'assec) et régulant des espèces qui l'élimineraient.

A partir de données sur plusieurs années, les tendances par paires d'années peuvent être comparées, en fonction du climat de l'été par exemple. La mise en évidence du paramètre architectural en cause peut alors être entreprise.

Des questions telles que la limitation par la dissémination et/ou l'écologie peuvent être abordées par les mécanismes biologiques et morphologiques à d'autres échelles d'espaces et de temps. Pour la fidélité aux stations à plus long terme, l'information d'études polliniques des sédiments serait utile. Par contre, à court terme, il faut envisager comment prendre en compte les aspects démographiques.

aspects démographiques
Une étude écologique destinée à la gestion des étangs centrée sur une telle espèce intègre la question : quels facteurs (abiotiques et biotiques) agissent sur quels paramètres ? Outre les dénombrements d'individus, la morphologie du matériel permet d'envisager 2 aspects complémentaires :
- une description de la vigueur des individus via le diamètre des tiges ou de la zone de tallage ; pour préciser certains descripteurs liés au substrat, il serait intéressant d'évaluer les dimensions des racines en fonction de la vigueur des organes non souterrains dans différentes conditions ;
- la démographie, en particulier au travers, d'une part, des composantes de la production des diaspores pendant la saison de végétation, d'autre part de la mortalité des diaspores et des individus en végétation.

Pour la démographie des feuilles, nos observations sont insuffisantes pour dire si certaines vivent moins longtemps que d'autres. OTTO-BRUC et al. (loc. cit.) considèrent que les " feuilles rubanées meurent rapidement " ; pour savoir quelle est la proportion du phénomène de différence de durée de vie, des suivis individuels de feuilles sont nécessaires.

L'évaluation de la production effective de diaspores peut se faire soit par individu, soit par unité de surface (plutôt que par étang, ce qui serait irréaliste) dans différentes conditions de milieu. Pour cela, la biométrie peut être utile par la relation entre la longueur de chaque tige allongée (abstraction faite de l'entre-noeud basal) et le nombre de diaspores quelle produit, d'autre part par la relation entre le diamètre des touffes vers leur base et le nombre de tiges allongées.

Une modélisation de la proportion de turions par rapport aux graines devrait envisager les niveaux d'eau (étude possible en un an, de préférence avec plusieurs sites où les rythmes de variations sont différents) et la somme de températures de la saison (ceci nécessitant plusieurs années) pour le mésoclimat, ou mieux pour le microclimat (intégrant les profondeurs d'eau).

La biologie et l'écologie d'autres espèces susceptibles de pousser dans la même station seraient également à intégrer. Le rôle du niveau d'eau hivernal revêt ainsi 2 hypothèses :
- le besoin physiologique différent entre les espèces (par rapport à la température du fond de l'eau peut-être) est une possibilité pour la survie ou le déclenchement de la formation de certains organes ;
- une plus faible capacité de compétition de cette "pionnière" (de milieu ouvert) est une possibilité supplémentaire ; en effet, on peut supposer que peu d'espèces supportent une submersion si longue, cette dernière servant peut-être à éliminer la compétition de plantes plus terrestres (pérennes ou annuelles d'automne) qui élimineraient Caldesia sp. pendant sa saison de végétation ; autrement dit le taxon étudié ne parviendrait à pousser qu'où la place est libre.
Parmi les végétaux acceptant cette submersion, des plantes naines comme Eleocharis acicularis n'agissent probablement au plus que sur les plantules au printemps ; il est à noter que (d'après nos observations armoricaines de phénologie) cette espèce n'est pas "d'apparition tardive" (comme l'indiquent OTTO-BRUC et al. (loc. cit.) pendant l'exondation ; bien au contraire, les colonies de cette espèce pérenne rhizomateuse semblent supporter au moins une année de submersion sans difficulté. Par contre, pour de grandes plantes (comme les Nymphaeaceae) susceptibles "d'étouffer" même des adultes, leur régulation serait possible par des Mammifères ; l'effet est visible en particulier par des restes végétaux en épaves concernant Caldesia sp. (individus à racines coupées ou feuilles coupées à leur base) ou d'autres espèces.

CONCLUSION

La détermination du genre et de l'espèce du matériel étudié pose problème avec la littérature consultée ; en particulier, Flora Europaea ne fournit pas de description satisfaisante. Les quelques corrections proposées sont des éléments pouvant servir à une révision du genre. L'estimation d'une valeur taxonomique des différents descripteurs de feuilles caractérisées (longueur et largeur du pétiole, des éventuelles oreillettes, du reste du limbe) et des autres paramètres d'architecture des individus (longueur et largeur de la portion de tige en cône renversé et en cylindre, proportion des 2 types et nombre des tiges allongées) ne pourrait être précisé que par une démarche expérimentale à partir de clônes ou éventuellement par des suivis d'individus caractérisés par des marqueurs de clônes. La morphologie comparée en relation avec l'écologie vis-à-vis des niveaux d'eau serait également à préciser. De même, dans l'objectif d'expliquer et de relier les variations morphologiques et les variations de populations en fonction de l'écologie, une démarche expérimentale serait à envisager à partir de clônes.

Dans un objectif de vision cohérente et explicative des variations de populations à toutes échelles d'espaces et de temps, la liaison entre morphologie, démographie, écologie et phytogéographie nécessiterait une clarification taxonomique. Si une telle étude était entreprise, afin d'éviter un impact direct de protocoles destructeurs sur les populations susceptibles d'être étudiées sur plusieurs années, différentes observations sont possibles en fin de saison de végétation (après que la reproduction ait eu lieu) ; en effet, compte tenu de l'architecture des systèmes caulinaires et racinaires, un certain nombre de paramètres de développement de début de saison peuvent être évalués. Toutefois, dans le but d'une application à la gestion de populations de Caldesia sp., la morphologie permet de préciser des paramètres démographiques : cette approche implique obligatoirement une étude saisonnière des composantes du rendement en diaspores et des facteurs de régulation, avec un suivi d'architecture d'individus.

Les observations réalisées seraient à replacer dans la morphologie comparée du genre et de l'espèce (avec ses éventuels taxons infraspécifiques) ; les critères des 2 rangs taxonomiques n'ont pu être dissociés. C'est un matériel original par rapport aux Alismataceae d'autres genres connus en Europe. Mais pour distinguer les caractères de genre et d'espèces, une étude à l'échelle mondiale serait à envisager.
 


BIBLIOGRAPHIE

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AYMONIN G.G., 1982 - Phénomènes de déséquilibres et appauvrissements floristiques dans les végétations hygrophiles en France. In Symoens & al., Studies on aquatic Vascular Plants. Société Royale de Botanique de Belgique, Bruxelles, 377-389
BOREAU A. 1857 - Alisma L. in Flore du Centre de la France et du bassin de la Loire. Roret, Paris, 3è éd., vol. 2 : 594-596
CHICOUENE D., 1997 - Paramètres de suivis biologiques et typologie de la colonisation d'une station chez les Cormophytes. E.R.I.C.A., Bulletin de botanique armoricaine 9 : 17-42
CHICOUENE D., 1998 a - Introduction aux problèmes de détermination des familles et genres de Gramineae et Cyperaceae. E.R.I.C.A., Bulletin de botanique armoricaine 10 : 17-34
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COSTE H., 1906 - Alisma L. in Flore descriptive et illustrée de la France. 81. Scrophulariées - 134. Equisétacées. Tome 3, Klincksieck, Paris, 293-294
HEYWOOD V.H., DANDY J.E., 1980. Alismataceae. in Flora Europaea, Tutin T.G. & al., tome 5 " Alismataceae to Orchidaceae" : 1-3
FOURNIER P., 1961 - Alisma L. in Les quatre flores de France. Nouveau tirage avec compléments, corrections et tables. Lechevalier, Paris, 130-131
OTTO-BRUC C., HAURY J., LEFEUVRE J.C., DUMEIGE B., PINET F., 2000 - Variations temporelles des populations de Caldesia parnassifolia (L.) Parl. dans les étangs de Brenne (Indre, France). Acta Bot. Gallica, 147 : 375-397
ROUY G., 1912 - Alisma L. in Flore de France. Deyrolle, Paris. tome 13, Deyrolle, Paris, 3-9

Remerciements :
- Cécile OTTO-BRUC pour l'indication d'une station,
- Romaric PIERREL et Denise MOREAU pour leur accueil chaleureux, respectivement à l'herbarium du Conservatoire Botanique National de Nancy et au Musée Botanique d'Angers,
- Hervé DANIEL (Institut National d'Horticulture d'Angers) et Ivan BERNEZ (Université technique de Lisbonne) pour leurs remarques sur le manuscrit,
- Martin FILLAN (Hennebont, Morbihan) pour son aide dans la traduction du résumé anglais.



Cet article a été soumis à la Société Botanique de France.

Le rapport du comité de lecture (= lettre de refus) est déjà consultable sur le forum de T-B avec un courrier accompagnateur pour ceux qui souhaitent contribuer.
Adresse web de la Liste : http://fr.groups.yahoo.com/group/tela-botanicae/
C'est le message n°6752 ("Caldesia et ABG" du 24 septembre 2001)
Voici ce texte :

"Article D. CHICOUENE.

La lecture de l'article me conforte dans mon refus de voir ce torchon publié dans l'une des revues de la SBF.
Les raisons : ce Monsieur a des idées particulièrement confuses ; dans son cerveau se mélangent, d'une part des mots français dont la signification exacte ne lui est pas toujours bien connue, d'autre part des termes botaniques non
assimilés du tout. On obtient un charabia, plutôt risible, mais qui écorche la langue française très souvent, remue des grandes idées ou principes sans rapport avec le sujet et qui est rigoureusement impossible sur le plan scientifique.
Je maintiens fermement qu'un tel article serait extrêmement mauvais pour ABG. Certain des articles du Journal ont été sérieusement discutés pour des broutilles à côté du galimatias français et scientifique de CHICOUENE.
Ma défense de la langue française est féroce. L'auteur parle un très mauvais français. Et, en botanique, il mélange allègrement des tas de notions.
Si l'on veut remonter le niveau d'ABG, on ne peut se permettre de publier un tel papier. Que penseront les étrangers qui lisent le français !
Conclusion : refus absolu de publier.
Si le Comité éditorial d'ABG décide néanmoins de publier cet article, je serais forcé de considérer que cette décision va à l'encontre des buts définis lors du maintien d'ABG. Et j'en tirerai les conséquences logiques.
Les éléments utiles contenus dans cet article pourraient faire l'objet d'une rédaction entièrement revisée : sur la langue, sur la botanique.
Autrement dit, l'auteur peut faire réécrire complètement son papier par un autre. Cela, par comparaison lui apprendrait un peu le français et la botanique.
Désolé"


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