Daniel CHICOUENE
Mots-clés additionnels : organographie comparée, biométrie, architecture végétale, Flora Europaea, Alismataceae
Résumé :
Une description morphologique et architecturale de Caldesia sp.
est entreprise face aux divers problèmes taxonomiques, écologiques,
biogéographiques rencontrés dans la littérature récente.
Les observations portent sur des plantes adultes, in situ et en herbier.
D'après son architecture, Caldesia sp. semble être généralement
une plante pérenne qui repasse obligatoirement par une architecture
juvénile chaque année, quel que soit son mode de multiplication.
Les dimensions réduites de la tige dans les turions rappellent ce
qui se passe avec une graine ; l'ontogenèse, sans structures secondaires,
est monopodiale et donc en rosette. Les problèmes de détermination
sont évoqués, en particulier par rapport à Flora Europaea.
Les conséquences de la morphologie du matériel étudié
pour envisager des études écologiques à différentes
échelles spatio-temporelles sont discutées.
Additional keywords : comparative organography, biometry, vegetal architecture, Flora Europaea, Alismataceae
Summary : Note on the formal morphology of Caldesia sp. in the central
region of France
A morphological and architectural description of Caldesia sp. was
undertaken after meeting various taxonomic, ecological and bio-geographical
problems in recent literature. Observations relate to adult plants, growing
in situ, and to herbarium specimens. After studies of plant architecture,
Caldesia sp. seems generally to be a perennial plant that transits by a
juvenile structural phase each year, notwithstanding different modes of
multiplication. The reduced stem dimensions of the turions remind one of
what could happen with a seed ; the ontogenesis, without secondary structures
is monopodial and thus in rosette form. Identification problems are raised,
particularly with respect to Flora Europaea. The conclusions of the morphological
studies are used to discuss possible ecological studies at different spatio-temporal
levels.
I. INTRODUCTION
Caldesia Parlatore est un genre d'Alismataceae qui ne comporte qu'une espèce dans Flora Europaea (HEYWOOD & DANDY, 1980), à savoir Caldesia parnassifolia (L.) Parl. La description y est quelque peu floue ; la forme des limbes y est un critère de genre alors que d'autres espèces du genre sont décrites sur la base de la forme des limbes en particulier. De plus, la description est controversée sur certains caractères (présence ou absence de rhizomes et stolons, forme des limbes, type d'inflorescence,...) en comparant à des références de France métropolitaine pour le taxon de même nom (tableau I). Dans cette entité administrative, des taxons infraspécifiques sont signalés d'après les formes des feuilles et la présence de fleurs ou de turions selon que la plante pousse dans l'eau ou hors d'eau ; ce sont : var. terrestris A.-G. par FOURNIER (1961), et dubium par ROUY, 1913 ("Alisma parnassifolium var. ß dubium Nob. ; A. dubium Willd. ; Caldesia parnassifolia A. dubia A. et Gr. ; forma natans Glück"). Plusieurs espèces sont décrites ailleurs dans le monde. Les problèmes taxonomiques sont importants et vont de pair avec les descriptions morphologiques.
Des ouvrages de déterminations comportent des contradictions entre eux sur certains aspects architecturaux (tels que la présence ou l'absence de rhizomes) et biologiques (en particulier sur la durée de vie). Comme le soulignent OTTO-BRUC & al. (2001), certains auteurs qualifient ce taxon d'annuel, d'autres auteurs de pérenne. La biologie d'un taxon européen appelé Caldesia parnassifolia est précisée par GLUCK (cité par ARBER, 1920) et ARBER (loc. cit.) dans son étude de morphologie évolutioniste ; la plante s'adapte à des niveaux d'eau estivaux forts variables et est qualifiée d'amphibie (non hydrophyte s.s.) comme toutes les Alimataceae qu'elle a étudiées.
Selon les auteurs, le statut en France métropolitaine du genre ou de l'espèce va depuis la relique du Cénozoïque (cf. OTTO-BRUC & al., loc. cit.) jusqu'à celui d'adventice (AYMONIN, 1992) envahissant des étangs artificiels. Un débat s'articule également sur les variations de populations à l'échelle du siècle (OTTO-BRUC & al., loc. cit.). Au cours d'une saison, OTTO-BRUC & al. (loc. cit.) considèrent les populations comme relativement stables ; toutefois, une difficulté pour comparer les années est le protocole d'évaluation des populations qui suppose une certaine standardisation prenant en compte la biologie et l'architecture de l'espèce.
De même, dans les études d'autoécologie vis-à-vis de descripteurs biotiques ou abiotiques des stations, le problème du type de données comparatives se pose. OTTO-BRUC & al. (loc. cit.) utilisent directement l'effectif par étang (qui dépend en toute logique de la dimension des étangs), sans fournir de justification. Pour cela, la notion d'individu utilisable a besoin d'être clarifiée.
Compte tenu de toutes les difficultés taxonomiques, biologiques,
biogéographiques et écologiques rencontrées dans la
bibliographie, une description morphologique rigoureuse s'impose. C'est
aussi un préalable à une mise en place d'études démographiques
; il faut comprendre le fonctionnement architectural du taxon ou des taxons
alors que le sujet est controversé. C'est l'objet de ce travail
réalisé sur des échantillons du Centre de la France.
II. METHODOLOGIE
Les données examinées ont 2 types d'origine :
- d'une part, la consultation de 30 individus dans des herbiers du
milieu du XIXème siècle : l'herbier de France de Godron (au
Conservatoire Botanique National de Nancy), l'herbier du Centre de la France
de A. Boreau (au Musée Botanique d'Angers) et l'herbier de l'Ouest
de la France de J. Lloyd (au Musée Botanique d'Angers) ;
- d'autre part, des observations à l'étang Mouton sur
la commune de Migné dans le Parc Naturel Régional de la Brenne
en septembre 2000.
Cette station comporte un substrat limono-sableux (d'après une
appréciation tactile). Le matériel peut être défini
à l'état végétatif en particulier par : des
feuilles en rosette ; des limbes caractérisés flottants ovales,
à base cordée. La plante est repérée à
des profondeurs du plan d'eau de 1 à 3 dm. Le milieu apparaît
ouvert en observant au dessus du plan d'eau (coefficient d'abondance-dominance
de Braun-Blanquet de 2 dans les espaces vitaux de 1 m2) ; en plus des plantes
submergées dont le recouvrement n'a pu être observé
à cause de la turbidité de l'eau (Ceratophyllum et Myriophyllum
en particulier) sont présentes.
Les observations morphologiques d'individus sont diverses. Sur le terrain,
après écartement de la végétation appartenant
à d'autres espèces, la morphologie externe est examinée
en place. Des touffes sont soulevées à la bêche (y
compris les organes souterrains) et une partie du substrat est dégagée
autour du plateau de tallage et de quelques racines caractérisées.
Des individus en épaves (à racines coupées par des
animaux) sont observés en détail. Les résultats sont
comparés aux échantillons d'herbiers sur lesquels la qualité
d'observation est variable selon les organes.
Le vocabulaire descriptif de l'architecture caulinaire suit le glossaire
de CHICOUENE (1998 a).
III. RESULTATS
Toutes les plantes observées dans les planches d'herbier et sur le terrain sont des adultes, en fin de végétation. Les inflorescences sont absentes sur le terrain. Les différents organes sont passés en revue ci-après.
1. LE SYSTEME CAULINAIRE
Le système caulinaire végétatif possède
généralement 2 ordres de ramifications. La tige principale
est orthotrope ; elle possède surtout une zone court-nouée
(feuilles en rosette). Sa base est en cône renversé (l'origine
est une graine ou un turion), de diamètre basal de l'ordre de 1/2
mm et de diamètre supérieur de plusieurs mm, voire 1 cm.
Le tallage est intravaginal ; il est de l'ordre de 5 talles par touffe.
Certains bourgeons se sont développés en tiges allongées
plagiotropes (diagéotropes), c'est-à-dire qu'il y a épinastie
; ce sont des stolons (tiges plagiotropes non souterraines) mésomorphes,
de quelques dm de long pour quelques mm de diamètre à leur
base.
Les tiges allongées, qu'elles soient végétatives
ou inflorescentielles, portent des branches selon une silhouette pyramidale
à indice de largeur (tel que défini par CHICOUENE, 1998 b,
exprimant l'angle d'ouverture de la pyramide indépendamment de la
longueur d'inflorescence) de 1/3 à 1/2 ; ces tiges sont de type
"hampe" c'est-à-dire que l'entre-noeud basal est le plus long et
c'est le seul allongé situé sous l'inflorescence ; la longueur
des entre-noeuds suit une suite géométrique de raison 1 1/2
en moyenne.
Les inflorescences ont un ou deux ordres de ramifications dans l'herbier
de Boreau qui est le plus fourni (avec 9 planches d'environ 3 échantillons
chacune) ; les plus chétives ont un seul ordre de ramifications,
3 étages et la hampe à un diamètre de 2-3 mm à
1 cm de hauteur ; les inflorescences les plus vigoureuses ont 2 ordres
de ramifications (présentes sur 8 planches de l'herbier de Boreau),
jusqu'à 6 étages et un diamètre de hampe à
1 cm de 3-4(-9) mm. Les infrutescences mesurent de 1 à 2 dm de longueur.
2. LES FORMES DES FEUILLES
La rosette de la tige principale porte seule des feuilles vivantes
complètes (c'est-à-dire avec gaine, pétiole et limbe)
dans sa partie supérieure ; les noeuds de la base (en particulier
au niveau du cône renversé) ont perdu leurs feuilles. Ainsi,
les feuilles semblent se renouveler au cours de la saison de végétation.
Le passage entre gaine et pétiole est progressif, situation
classique dans la famille des Alismataceae. La longueur du pétiole
dépend, dans une certaine mesure au moins, de la profondeur d'eau
(tableau I).
Tableau I : différences de conceptions entre auteurs pour
des caractères de Caldesia sp.
Table I : different authors conceptions for characteristics of Caldesia sp. |
Flora Europaea | Différence dans des références françaises | |
Tiges plagiotropes | Rhizomes et stolons implicitement absents car ils sont évoqués pour les autres genres d'Alismataceae qui en possèdent (Sagittaria, Baldellia, Luronium) mais pas pour Caldesia | ROUY : " rhizomes "
COSTE : " souche fibreuse émettant des tiges rampantes à bourgeons feuillés et vivipares en formes de stolons " |
Types de feuilles | " Flottantes ou aériennes " | ROUY : " b. dubium : feuilles primaires linéaires,
rubannées, les suivantes nageantes "
FOURNIER : " flottantes " ; " feuilles dressées : endroits asséchés " |
Forme générale des limbes | " Ovales à elliptiques " | COSTE : " largement ovales-orbiculaires " |
Forme de la base des limbes | " cordés à subcordés " | COSTE : " profondément en cœur " |
Type d'inflorescence | " Grappe ou panicule " | FOURNIER : " inflorescence à rameaux presque tous uniflores " |
carpelles | " 3-5 côtes " | COSTE : " 5-7 côtes " |
La forme des limbes flottants est un critère important de détermination en l'absence d'inflorescence, que ce soit pour le genre ou pour l'espèce. L'allongement des limbes est de (1,2-)1,3(-1,4) sur une population de limbes de 3-4 cm de large sur le terrain ; il n'y a pas de limbes aériens. Dans les herbiers, les individus semblant émergés ont des limbes plus courts (tableau I). Le plus grand limbe rencontré est dans l'herbier de Lloyd, avec 9 x 7,3 cm.
La base des limbes flottants, unanimement qualifiée de cordée (COSTE, 1906 ; FOURNIER, 1961 ; DANDY, 1980) ou d'arrondie (ROUY, 1912) est précisée par la biométrie : sur la même population, le rapport entre la longueur et la largeur des oreillettes est compris entre 0,4 et 0,8 (0,5 étant l'arrondi idéal). Cet allongement des oreillettes variant du simple au double est a priori sans relation avec la dimension des limbes sur la population étudiée in situ. Elles représentent 1/5 à 1/4 de la longueur totale du limbe. Les oreillettes sont dans le prolongement du reste du limbe ; autrement dit, elles sont parallèles. En herbier, leur variabilité est plus élevée ; elles semblent quasiment absentes chez les individus émergés (qui ont aussi un indice d'allongement des limbes plus faible).
Le sommet des limbes (dans le quart supérieur) a une ouverture
supérieure ou égale à un angle droit. L'apex a tendance
a être en angle droit sur les plantes émergées, et
arrondi chez les limbes flottants (tableau II).
Tableau II : essai de typologie des formes extrêmes de limbes
adultes rencontrés dans les 3 herbiers (environ 100 feuilles sur
30 individus fertiles) pour Caldesia sp.
Table II : an attempt at the typology of extreme forms of adult leaf limbs found in the 3 herbarium collections (about 100 leaves from 30 fertile individuals) for Caldesia sp. |
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pétioles |
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longueur du limbe |
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allongement du limbe |
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apex (1/4 supérieur) |
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allongement des oreillettes |
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orientation des oreillettes
(d'après les bords internes) |
angle de 90-120° |
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Les cataphylles sont des gaines chlorophylliennes, présentes sur les tiges allongées, comme bractées (dans l'inflorescence) ou axillant les turions sur les tiges plagiotropes, et constituant la partie externe des turions.
3. LA PHYLLOTAXIE
Dans la rosette adulte, la disposition des feuilles est spiralée
(l'angle de divergence est voisin de 2/5). Dans les turions, elle semble
plutôt distique mais ici aussi des observations plus précises
seraient nécessaires.
Sur les tiges allongées, la disposition est verticillée
ou pseudoverticillée, généralement par 3, avec concomitamment
3 branches par verticille. Toutefois, dans l'herbier de Boreau, un individu
possède jusqu'à 8 branches par verticille.
4. LE SYSTEME RACINAIRE
Les racines sont insérées sur la tige, dans la partie
inférieure de la rosette, surtout le long du cône renversé.
Les racines caractéristiques de l'individu adulte, insérées
les plus haut, font 2 à 3 dm de long pour 1(- 1 1/2) mm de diamètre
près de leur insertion. A la base du cône, ce sont de petites
racines (longues de quelques cm et à diamètre inférieur
à 1/2 mm), probablement mortes.
5. LA CONSTITUTION DES TURIONS
Le turion apparait comme un bourgeon de 1 à 1 1/2 cm x 3/4 cm,
dormant, sessile et caduc. Il est produit à l'aisselle d'une cataphylle
située sur des tiges allongées. C'est une rosette à
pièces toutes chlorophylliennes ; la tige a un diamètre de
l'ordre de 1/2 mm ; elle porte extérieurement des cataphylles, puis
des feuilles un peu plus courtes que le turion (les 3/4) à gaine
moitié plus courte surmontée d'une pièce linéaire
(réprésentant un pétiole et/ou un limbe non élargi).
Il n'y a pas d'organe tubérisé, ni de racines.
Bref, c'est une petite tige, portant de petites feuilles. Ainsi, le
cycle annuel probable, tant par graine que par turion, consiste à
repasser par une phase juvénile chaque année ; cette phase
juvénile correspond à un type de développement monopodial,
sans structures secondaires (cf. CHICOUENE, 1997) ; sa phase végétative
est par conséquent en rosette. Tous les organes végétatifs
de la plante semblent vivre moins d'un an.
Avec une production de l'ordre de 100 turions par touffe de vigueur
moyenne, la population étudiée semble donc soumise à
des variations d'effectifs importants au cours de l'année. Pour
envisager la démographie, des aspects sont à hiérarchiser
; les turions ne servent probablement qu'entre 2 saisons de végétation
alors que les graines se conservent peut-être plusieurs années
; les talles ne servent qu'à l'intérieur d'une saison de
végétation.
IV. DISCUSSION
1. PROBLEMES DE DETERMINATION ET DE DESCRIPTION
Pour la détermination, les descriptions rencontrées dans
les "flores" se limitent à l'adulte dont le feuillage est uniquement
celui qui est caractérisé. De plus, souvent seule la phase
végétative est disponible, ce qui est une difficulté
supplémentaire pour la détermination. De nombreuses descriptions
sont insuffisantes dans la littérature. Compte tenu des disparités
des descriptions de l'espèce indiquée et de l'existence d'espèces
voisines, proposer une méthodologie de détermination n'est
pas évident.
La diagnose de Linné (cf. OTTO-BRUC & al., 2000) pose problème
par la "floraison dans l'eau" alors que le matériel de Brenne semblerait
mieux fleurir s'il y a peu, voire pas d'eau libre ; et dans tous les cas
l'inflorescence est aérienne.
BOREAU (1857) fournit 15 caractères morphologiques pour Alisma parnassifolia. En ce qui concerne l'architecture, cet auteur rapporte une "racine fibreuse n'offrant pas de collet renflé globuleux", différence par rapport à certaines espèces voisines, Alisma Plantago et A. lanceolatum (restées dans le genre Alisma dans Flora Europaea où leurs descriptions sont floues et moins précises que celles faites par BOREAU).
Parmi la littérature citée, pour Alisma parnassifolia ou Caldesia parnassifolia, les autres références sont à l'origine de difficultés qui sont passées en revue ci-après.
Le terme "rhizome", employé par certains auteurs, soit correspond à un polymorphisme (certains individus étant pourvus de tiges souterraines non rencontrées dans la présente étude), soit est utilisé dans un sens énigmatique, désignant éventuellement les tiges plagiotropes aquatiques.
COSTE (1906) décrit une "souche" dont l'existence n'a pu être vérifiée sur les plantes observées dans la présente étude. Dans la clé des espèces, la forme de l'inflorescence est précisée pyramidale par cet auteur pour Alisma plantago, ce qui sous entend implicitement une forme différente pour Alisma parnassifolia qui est située au même noeud de la clé ; pourtant dans les planches des divers herbiers consultés, elle est pyramidale chez ces 2 "espèces".
FOURNIER (1961) avec l'expression "inflorescence à rameaux presque tous uniflores", ne met pas en évidence une variation possible du nombre d'ordres de ramifications selon les inflorescences. L'existence de grappes (c'est-à-dire à un ordre de ramifications) et de panicules simples (à 2 ordres vers la base de l'inflorescence) selon les talles dans les planches étudiées coïncide avec les termes "racemes or panicles" pour le genre Caldesia dans Flora Europaea.
Par rapport à Flora Europaea qui fournit des listes de caractères
différentes selon les genres et les espèces d'Alismataceae,
des corrections sont manifestement nécessaires tant pour le genre,
que pour la seule espèce de Caldesia y figurant.
Pour le genre, les problèmes sont nombreux :
- rien n'est précisé sur la durée (mais "pérenne"
est indiqué pour le genre Damasonium), ni sur les tiges plagiotropes
; "stoloniferous" est mentionné pour Sagittaria (qui possède
d'après nos observations des rhizomes ou tiges plagiotropes souterraines,
extravaginaux, mais pas de stolons) ; une erreur de mise en page est possible
;
- l'expression "feuilles flottantes ou aériennes" est à
nuancer car les limbes aériens ne semblent exister qu'en l'absence
de plan d'eau (comme le précise FOURNIER, loc. cit., -cf. tableau
I) ;
- l'expression "feuilles ovales ou elliptiques" est à revoir
; d'une part ce sont probablement plus des critères d'espèce,
d'autre part, la forme "elliptique" correspond probablement seulement à
des limbes submergés, situés plutôt sur les individus
en phase végétative ;
- la qualification de "feuilles cordées ou subcordées"
est quelque peu vague ; ainsi elles sont "profondément en coeur"
pour COSTE.
Pour l'espèce, l'expression "feuilles jusqu'à 6 x 4 cm"
pose problème : les alternatives nous semblent soit "limbe d'environ
6 x 4 cm", soit la distinction d'autres espèces susceptibles d'avoir
des limbes 2 fois plus grands qu'indiqué pour Caldesia parnassifolia.
Parallèlement aux problèmes de détermination, une
question est de savoir combien de taxons seraient à distinguer en
Brenne.
La forme des limbes serait un caractère important. Certes, l'indice
d'allongement des limbes obtenu par OTTO-BRUC & al. (loc. cit.) , serait
de 1,3 (en faisant le rapport 5 cm / 3,8 cm), c'est-à-dire coïncidant
avec nos observations de terrain. Mais ces données correspondent
à des situations précises de niveaux d'eau et de climat.
La diversité des formes de feuilles observée en herbier porte
sur la longueur des pétioles, la forme des limbes, la forme des
oreillettes (allongement et angle entre elles). Certaines de ces variations,
tout comme la présence de tiges allongées de 2 types, semblent
liées au niveau de l'eau.
La part de variabilité de ces caractères à imputer
à l'eau est insuffisamment connue ; la question d'accomodats et/ou
d'un polymorphisme génétique est posée. Les caractères
retenus pour les taxons infraspécifiques repris par certains auteurs
pour la France métropolitaine dépendent du niveau d'eau en
se basant sur les mentions de ARBER (1920) ; ce sont peut-être des
accomodats, sujet discuté ci-après.
2. ECOLOGIE ET BIOLOGIE PAR RAPPORT AUX NIVEAUX D'EAU
Cette plante de tendance amphibie possède soit des accomodats,
soit des écotypes ou des variations clinales de possible valeur
taxonomique comme celle retenue par ROUY (1912) et par FOURNIER (1961).
Ce problème se pose de la même manière que pour Baldellia
ranunculoides qui, d'après ARBER (loc. cit.), développe des
stolons au dépend des inflorescences en cas de croissance dans les
hauteurs d'eau les plus importantes ; ainsi certains auteurs récents
distinguent bien une sous-espèce pour Baldellia ranunculoides (retenue
dans le tableau de OTTO-BRUC & al., loc. cit.) en fonction de l'adaptation
aux courbes de niveau d'eau vernal ou estival.
La tendance possible du cycle est un comportement de plante annuelle
en cas d'exondation et d'été chaud (les tiges allongées
ne produisant que des graines) jusqu'à un aspect de pérenne
si elle est très inondée (les tiges allongées ne produisant
que des turions). Cette possibilité peut être une interprétation
des contradictions apparentes entre auteurs à propos de la durée
de vie des individus. Les relations entre températures et niveaux
d'eau mériteraient aussi une étude par rapport au déterminisme
du type de tige allongée et de l'éventuel conditionnement
plagiotropique.
3. APPORTS POSSIBLES DE LA MORPHOLOGIE A L'ETUDE DES POPULATIONS DE
CALDESIA
Pour étudier les variations de populations à différentes
échelles d'espaces et de temps, entre autre avec leur régulation
au cours des saisons, il faut adapter la prise en compte de la morphologie
à chacune de ces situations.
diagnostic des populations
Les comportements de stations ou d'étangs entre 2 années
consécutives et/ou en relation avec des descripteurs mésologiques
peuvent être comparés par les variations interannuelles, à
stade phénologique identique. Pour cela différents paramètres
sont susceptibles d'être notés.
La notion d'individu sert à diagnostiquer les populations par
l'effectif ou la densité. En saison de végétation,
l'individu provient d'une tige en cône renversé qui finit
par produire des talles, l'aboutissement étant une "touffe" dense.
Les individus sont bien délimités sauf si des talles se dispersaient
après un accident sur la tige principale. Pour repérer les
individus, il faut donc se baser sur les plateaux de tallage au fond de
l'eau. La propagation végétative radiale par rhizome qui
pourrait compliquer la situation n'existe pas sur les populations étudiées.
En saison de repos, les individus sont les turions et les graines.
Avec les effectifs, il semble difficile de faire abstraction de la dimension
de l'aire prospectée tel qu'un raisonnement simplement en nombre
d'individus par étang pour faire de l'écologie. Les résultats
doivent pouvoir être dépouillés par des diagrammes
de dispersion des stations par rapport au descripteur et à la densité.
Que la densité soit évaluée par dénombrements
ou par échelles densitaires (de type log. généralement),
l'échantillonnage de stations peut s'envisager par 2 solutions :
- l'effectif dans l'étang ramené à la dimension
totale de l'étang ou à la surface de profondeur d'eau potentiellement
favorable,
- l'évaluation dans des emplacements permanents comparatifs
entre étangs.
Des méthodes polyvalentes comme les échelles de fréquence (telles que celle de CHICOUENE, 1997) et la densité de végétation évaluée par le recouvrement (par appréciation visuelle déjà) sont rapides, permettant ainsi de recueillir des données sur un maximum d'étangs par rapport au temps d'échantillonnage.
Les méthodes d'évaluation et de comparaison par séries des variations entre 2 années consécutives à l'échelle régionale peut reposer sur les matrices d'échelles de recouvrement d'une année en fonction de la précédente.
Au niveau de la phytogéographie régionale et des variations
de fréquence à différentes échelles, il convient
de rechercher une méthode correcte de dépouillement ou de
présentation des résultats.
La matrice des variations interannuelles (niveau une année en
fonction du niveau de l'année précédente) d'effectifs
ou déjà simplement d'abondance-dominance à stade identique
(vers la fin de saison de végétation) dans des stations permanentes
(CHICOUENE, 1997). Cette méthode reste très descriptive mais
permet quand même de vérifier une diversité de comportements
des stations, voire une causalité si des descripteurs de milieu
sont utilisés en complément (sous la forme de séries
de données par exemple). L'étude du turn-over possible de
stations à l'échelle régionale suppose de suivre des
stations où le taxon est absent au début. Cet aspect ne doit
pas être négligé car il peut être indispensable
à la survie régionale d'une telle plante "pionnière"
en fonction des événements intervenant dans la gestion (par
exemple l'assec) et régulant des espèces qui l'élimineraient.
A partir de données sur plusieurs années, les tendances par paires d'années peuvent être comparées, en fonction du climat de l'été par exemple. La mise en évidence du paramètre architectural en cause peut alors être entreprise.
Des questions telles que la limitation par la dissémination et/ou l'écologie peuvent être abordées par les mécanismes biologiques et morphologiques à d'autres échelles d'espaces et de temps. Pour la fidélité aux stations à plus long terme, l'information d'études polliniques des sédiments serait utile. Par contre, à court terme, il faut envisager comment prendre en compte les aspects démographiques.
aspects démographiques
Une étude écologique destinée à la gestion
des étangs centrée sur une telle espèce intègre
la question : quels facteurs (abiotiques et biotiques) agissent sur quels
paramètres ? Outre les dénombrements d'individus, la morphologie
du matériel permet d'envisager 2 aspects complémentaires
:
- une description de la vigueur des individus via le diamètre
des tiges ou de la zone de tallage ; pour préciser certains descripteurs
liés au substrat, il serait intéressant d'évaluer
les dimensions des racines en fonction de la vigueur des organes non souterrains
dans différentes conditions ;
- la démographie, en particulier au travers, d'une part, des
composantes de la production des diaspores pendant la saison de végétation,
d'autre part de la mortalité des diaspores et des individus en végétation.
Pour la démographie des feuilles, nos observations sont insuffisantes pour dire si certaines vivent moins longtemps que d'autres. OTTO-BRUC et al. (loc. cit.) considèrent que les " feuilles rubanées meurent rapidement " ; pour savoir quelle est la proportion du phénomène de différence de durée de vie, des suivis individuels de feuilles sont nécessaires.
L'évaluation de la production effective de diaspores peut se faire soit par individu, soit par unité de surface (plutôt que par étang, ce qui serait irréaliste) dans différentes conditions de milieu. Pour cela, la biométrie peut être utile par la relation entre la longueur de chaque tige allongée (abstraction faite de l'entre-noeud basal) et le nombre de diaspores quelle produit, d'autre part par la relation entre le diamètre des touffes vers leur base et le nombre de tiges allongées.
Une modélisation de la proportion de turions par rapport aux graines devrait envisager les niveaux d'eau (étude possible en un an, de préférence avec plusieurs sites où les rythmes de variations sont différents) et la somme de températures de la saison (ceci nécessitant plusieurs années) pour le mésoclimat, ou mieux pour le microclimat (intégrant les profondeurs d'eau).
La biologie et l'écologie d'autres espèces susceptibles
de pousser dans la même station seraient également à
intégrer. Le rôle du niveau d'eau hivernal revêt ainsi
2 hypothèses :
- le besoin physiologique différent entre les espèces
(par rapport à la température du fond de l'eau peut-être)
est une possibilité pour la survie ou le déclenchement de
la formation de certains organes ;
- une plus faible capacité de compétition de cette "pionnière"
(de milieu ouvert) est une possibilité supplémentaire ; en
effet, on peut supposer que peu d'espèces supportent une submersion
si longue, cette dernière servant peut-être à éliminer
la compétition de plantes plus terrestres (pérennes ou annuelles
d'automne) qui élimineraient Caldesia sp. pendant sa saison de végétation
; autrement dit le taxon étudié ne parviendrait à
pousser qu'où la place est libre.
Parmi les végétaux acceptant cette submersion, des plantes
naines comme Eleocharis acicularis n'agissent probablement au plus que
sur les plantules au printemps ; il est à noter que (d'après
nos observations armoricaines de phénologie) cette espèce
n'est pas "d'apparition tardive" (comme l'indiquent OTTO-BRUC et al. (loc.
cit.) pendant l'exondation ; bien au contraire, les colonies de cette espèce
pérenne rhizomateuse semblent supporter au moins une année
de submersion sans difficulté. Par contre, pour de grandes plantes
(comme les Nymphaeaceae) susceptibles "d'étouffer" même des
adultes, leur régulation serait possible par des Mammifères
; l'effet est visible en particulier par des restes végétaux
en épaves concernant Caldesia sp. (individus à racines coupées
ou feuilles coupées à leur base) ou d'autres espèces.
CONCLUSION
La détermination du genre et de l'espèce du matériel étudié pose problème avec la littérature consultée ; en particulier, Flora Europaea ne fournit pas de description satisfaisante. Les quelques corrections proposées sont des éléments pouvant servir à une révision du genre. L'estimation d'une valeur taxonomique des différents descripteurs de feuilles caractérisées (longueur et largeur du pétiole, des éventuelles oreillettes, du reste du limbe) et des autres paramètres d'architecture des individus (longueur et largeur de la portion de tige en cône renversé et en cylindre, proportion des 2 types et nombre des tiges allongées) ne pourrait être précisé que par une démarche expérimentale à partir de clônes ou éventuellement par des suivis d'individus caractérisés par des marqueurs de clônes. La morphologie comparée en relation avec l'écologie vis-à-vis des niveaux d'eau serait également à préciser. De même, dans l'objectif d'expliquer et de relier les variations morphologiques et les variations de populations en fonction de l'écologie, une démarche expérimentale serait à envisager à partir de clônes.
Dans un objectif de vision cohérente et explicative des variations de populations à toutes échelles d'espaces et de temps, la liaison entre morphologie, démographie, écologie et phytogéographie nécessiterait une clarification taxonomique. Si une telle étude était entreprise, afin d'éviter un impact direct de protocoles destructeurs sur les populations susceptibles d'être étudiées sur plusieurs années, différentes observations sont possibles en fin de saison de végétation (après que la reproduction ait eu lieu) ; en effet, compte tenu de l'architecture des systèmes caulinaires et racinaires, un certain nombre de paramètres de développement de début de saison peuvent être évalués. Toutefois, dans le but d'une application à la gestion de populations de Caldesia sp., la morphologie permet de préciser des paramètres démographiques : cette approche implique obligatoirement une étude saisonnière des composantes du rendement en diaspores et des facteurs de régulation, avec un suivi d'architecture d'individus.
Les observations réalisées seraient à replacer
dans la morphologie comparée du genre et de l'espèce (avec
ses éventuels taxons infraspécifiques) ; les critères
des 2 rangs taxonomiques n'ont pu être dissociés. C'est un
matériel original par rapport aux Alismataceae d'autres genres connus
en Europe. Mais pour distinguer les caractères de genre et d'espèces,
une étude à l'échelle mondiale serait à envisager.
BIBLIOGRAPHIE
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Cambridge University Press, 368 p.
AYMONIN G.G., 1982 - Phénomènes de déséquilibres
et appauvrissements floristiques dans les végétations hygrophiles
en France. In Symoens & al., Studies on aquatic Vascular Plants. Société
Royale de Botanique de Belgique, Bruxelles, 377-389
BOREAU A. 1857 - Alisma L. in Flore du Centre de la France et du bassin
de la Loire. Roret, Paris, 3è éd., vol. 2 : 594-596
CHICOUENE D., 1997 - Paramètres de suivis biologiques et typologie
de la colonisation d'une station chez les Cormophytes. E.R.I.C.A., Bulletin
de botanique armoricaine 9 : 17-42
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de botanique armoricaine 10 : 17-34
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et Cyperaceae armoricaines. E.R.I.C.A., Bulletin de botanique armoricaine
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de la France. 81. Scrophulariées - 134. Equisétacées.
Tome 3, Klincksieck, Paris, 293-294
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T.G. & al., tome 5 " Alismataceae to Orchidaceae" : 1-3
FOURNIER P., 1961 - Alisma L. in Les quatre flores de France. Nouveau
tirage avec compléments, corrections et tables. Lechevalier, Paris,
130-131
OTTO-BRUC C., HAURY J., LEFEUVRE J.C., DUMEIGE B., PINET F., 2000 -
Variations temporelles des populations de Caldesia parnassifolia (L.) Parl.
dans les étangs de Brenne (Indre, France). Acta Bot. Gallica, 147
: 375-397
ROUY G., 1912 - Alisma L. in Flore de France. Deyrolle, Paris. tome
13, Deyrolle, Paris, 3-9
Remerciements :
- Cécile OTTO-BRUC pour l'indication d'une station,
- Romaric PIERREL et Denise MOREAU pour leur accueil chaleureux, respectivement
à l'herbarium du Conservatoire Botanique National de Nancy et au
Musée Botanique d'Angers,
- Hervé DANIEL (Institut National d'Horticulture d'Angers) et
Ivan BERNEZ (Université technique de Lisbonne) pour leurs remarques
sur le manuscrit,
- Martin FILLAN (Hennebont, Morbihan) pour son aide dans la traduction
du résumé anglais.
Le rapport du comité de lecture (= lettre de refus) est déjà
consultable sur le forum de T-B avec un courrier accompagnateur pour ceux
qui souhaitent contribuer.
Adresse web de la Liste : http://fr.groups.yahoo.com/group/tela-botanicae/
C'est le message n°6752 ("Caldesia et ABG" du 24 septembre 2001)
Voici ce texte :
"Article D. CHICOUENE.
La lecture de l'article me conforte dans mon refus de voir ce torchon
publié dans l'une des revues de la SBF.
Les raisons : ce Monsieur a des idées particulièrement
confuses ; dans son cerveau se mélangent, d'une part des mots français
dont la signification exacte ne lui est pas toujours bien connue,
d'autre part des termes botaniques non
assimilés du tout. On obtient un charabia, plutôt risible,
mais qui écorche la langue française très souvent,
remue des grandes idées ou principes sans rapport avec le sujet
et qui est rigoureusement impossible sur le plan scientifique.
Je maintiens fermement qu'un tel article serait extrêmement
mauvais pour ABG. Certain des articles du Journal ont été
sérieusement discutés pour des broutilles à côté
du galimatias français et scientifique de CHICOUENE.
Ma défense de la langue française est féroce.
L'auteur parle un très mauvais français. Et, en botanique,
il mélange allègrement des tas de notions.
Si l'on veut remonter le niveau d'ABG, on ne peut se permettre de
publier un tel papier. Que penseront les étrangers qui lisent le
français !
Conclusion : refus absolu de publier.
Si le Comité éditorial d'ABG décide néanmoins
de publier cet article, je serais forcé de considérer que
cette décision va à l'encontre des buts définis lors
du maintien d'ABG. Et j'en tirerai les conséquences logiques.
Les éléments utiles contenus dans cet article pourraient
faire l'objet d'une rédaction entièrement revisée
: sur la langue, sur la botanique.
Autrement dit, l'auteur peut faire réécrire complètement
son papier par un autre. Cela, par comparaison lui apprendrait un peu le
français et la botanique.
Désolé"
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