Daniel Chicouène (2004...)
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1. PROBLEMES DE GESTION
Divers aspects de gestion sont abordés dans le
tableau "espèces indicatrices" ; il est difficile à comprendre,
tant au niveau des titres des colonnes que de l'échelle de notation.
Divers thèmes sont traités par ailleurs (sous différentes
rubriques du livre) et passés en revue ci-après.
1.1. Surpâturage.
Des plantes naines sont attribuées à un
surpâturage ; c'est souvent vrai si la réserve en eau du sol
est suffisante. Mais si le sol a une réserve en eau faible (trop
faible pour permettre aux grandes plantes prairiales d'avoir une croissance
correcte), la présence de ces plantes est indépendante d'un
surpâturage ; la solution extrême y serait l'irrigation.
1.2. Fauche.
Plusieurs plantes sont curieusement considérées
comme poussant en prairies fauchées (p.46 § "indicatrices
de pratiques culturales" cas de Bromus mollis, Poa trivialis ; dans les
pages de description des espèces, Gaudinia fragilis p.114, Vicia
hirsuta p.186, Vicia sativa p.188). En effet, la fauche à une date
normale d'exploitation fourragère empêche la fructification
de ces espèces ; par contre dans les parcelles pâturées,
elles se reproduisent dans les refus. Les plantes annuelles fructifiant
à la fin du printemps et en été se trouvent en prairies
soit pâturées, soit fauchées tardivement pour la litière.
1.3. Sol.
La caractérisation des exigences édaphiques
nécessite des précisions pour au moins 3 taxons :
- pour Lotus corniculatus, p.155 "prairies maigres" :
c'est une espèce plutôt de sol séchant mais pas forcément
oligotrophe car elle préfère les sols calcaires ; des amendements
et fertilisants ne sont pas une solution ; il faudrait arroser.
- pour Holcus mollis (dans le tableau) "milieux pauvres"
: il s'agit de milieux généralement pauvres en calcium ;
mais cette espèce supporte de fortes fumures azotées.
- pour Festuca rubra p.46, "faible capacité d'échange"
alors que ces plantes nous semblent plutôt calcicoles ou de milieux
saumâtres, ce qui ne correspond pas forcément à des
sols à faible capacité d'échange.
1.4. Saisons de végétation.
L'indication des calendriers de végétation
des espèces manque ; en effet certaines sont sempervirentes, d'autres
hivernales, d'autres estivales. Cet aspect est capital à prendre
en compte dans l'observation de la flore d'une prairie et dans la gestion
(compte tenu des différences connues entre les espèces à
favoriser ou limiter).
1.5. Mauvaises herbes.
Les risques de toxicité de Trifolium repens et
Lotus sp.pl. due à des composés cyanogènes (cf. par
exemple Knight & Walter, 2002) manquent. Ce risque est pourtant à
l'origine des normes en teneur de ces substances dangereuses pour l'inscription
des cultivars de ces légumineuses.
2. PROBLEMES BOTANIQUES
2.1. Confusions biologiques liées à
la propagation.
Le type d'organe de propagation est un élément
de biologie et de gestion important. Ainsi, les stolons ont généralement
besoin de lumière pour se développer, ce qui n'est pas le
cas des organes souterrains. Parmi ces derniers, les rhizomes (en tant
que tiges plagiotropes souterraines) sont des organes très spécialisés,
produits à un stade précis du calendrier de végétation
(généralement la fin). A l'inverse, les racines traçantes
sont des adaptations secondaires de racines produites aux saisons de végétation
intense.
Ces divers organes de propagation semblent quelque peu
confondus. Ainsi, des rhizomes sont attribués à des plantes
qui en sont dépourvues (Rumex acetosella, Cirsium arvense) ; en
revanche, ils sont omis pour plusieurs qui en ont (Agrostis capillaris,
Lathyrus pratensis,…). Les stolons sont omis pour de nombreuses espèces
(cf. ci-dessous -en annexe II- les commentaires du tableau). Les Graminées
à stolons et à rhizomes sont précisées par
Chicouène (1989) pour le Massif Armoricain. Pour la détermination
des Graminées, Joncacées et Cypéracées armoricaines,
des compléments et corrections par rapport à la "Flore Vasculaire
du Massif Armoricain" et à Flora Europaea sont proposées
par Chicouène (1996).
2.2. Durée de vie.
Les problèmes concernent en particulier Poa annua
et Lolium multiflorum. Ce sont 2 espèces sempervirentes remontantes
; Poa annua fleurit toute l'année et Lolium multiflorum au printemps
et en été. Leur production de talles végétatives
est continue tout au long de l'année.
La pérennité de Poa annua est par exemple
signalée par Hubbard, 1954, Wells, 1974, Stace, 1997. En ce qui
concerne celle de Lolium multiflorum, Danseaux (1905) écrit "en
général, le ray-grass d'Italie ne donne de bons produits
que pendant deux ans, à moins qu'on ne lui applique d'abondants
engrais actifs" ; les cultivars inscrits sous ce nom actuellement ont une
production qui chute habituellement au bout de la deuxième année,
mais certains au moins (ceux que nous avons suivis) peuvent taller pendant
de nombreuses années.
2.3. Terminologie pour les plantes fertiles.
Dans l'ensemble de l'ouvrage, le terme "épi" semble
utilisé dans le sens de "inflorescence" et non dans le sens habituel
d'épi, admis depuis le XVIIIème siècle.
2.4. Lacunes floristiques.
Il manque à mon avis le taxon le plus répandu
dans le Massif Armoricain, à savoir Agrostis x murbeckii (cf. Stace,
1997, et Chicouène, 1996), ainsi que Lolium x boucheanum et divers
Festuca intermédiaires ; ces derniers taxons se trouvent dans le
sous-genre Festuca, entre les groupes rubra et ovina (cf. Chicouène,
1999 et 2002) et dans le sous-genre Shoedonorus, F. x aschersoniana qui
est intermédiaire entre F. arundinacea et F. pratensis (cf. Hubbard,
1954, et Stace, 1997).
Agrostis tenuis (capillaris) p.83 : "stolons" alors que cette espèce se propage essentiellement ou exclusivement par des rhizomes (cf. Hubbard,1954, Klapp, 1957, et Stace, 1997) ; la photo d'inflorescence correspond à Agrostis murbeckii (les pédicelles sont appliqués et non étalés).
Alopecurus geniculatus p.84 : la photo du bas (plante isolée) n'est probablement pas cette espèce car la plante en photo n'a pas de stolons.
Festuca arundinacea p.108 : la photo du bas montre des talles sortant à quelques cm les unes des autres à la périphérie de la touffe, ce qui témoigne de rhizomes courts dont l'existence n'est pas précisée. Ces rhizomes sont illustrés par Jauzein & Montégut (1983).
Festuca rubra p.113 : "préfoliaison enroulée" est incorrect au moins pour les talles végétatives (cf. Chicouène, 1999).
Gaudinia fragilis p.114 "prairies naturelles fauchées conduites de manière extensive" : d'après nous, c'est surtout en parcelles sèchantes paturées.
Glyceria fluitans p.116-117 : la photo en bas de p.116 montre un stolon, organe non signalé dans le texte, ni dans le tableau de couverture.
Holcus lanatus p.119 "la gaine fendue permet de la distinguer de certains bromes" or cette espèce a une gaine soudée sur environ les 9/10 de sa longueur sur les feuilles d'innovations (c'est-à-dire presque comme les Bromeae ainsi que l'indiquent Jauzein & Montégut, 1983 p.113).
Lolium multiflorum p.127, "préfoliaison enroulée", et Lolium perenne p.129, "préfoliaison pliée" : la variabilité de la préfoliaison de ces espèces est connue depuis 1859 (cf. Chicouène, 1996) ; en général, la préfoliaison d'un limbe est entièrement pliée sur l'ensemble des talles végétatives de Lolium perenne et pour les premières feuilles de chaque talle de Lolium multiflorum.
Phleum bertoloni p.134-135 : les photos de tubercules correspondraient plutot à Phleum pratense ; ceux de P. bertolonii sont généralement au moins aussi larges que longs.
Poa angustifolia p.139 : la photo du haut ressemble à Poa pratensis souffrant de dessèchement (limbe "large", un peu enroulé) ; la photo du milieu montre un limbe plan et trop large pour être un P. angustifolia sec. Hubbard qui précise "limbe comme Festuca rubra".
Poa annua p.140 : "annuelle, parfois bisannuelle" (cf. ci-dessus au § 2.2).
Poa trivialis p.145 : les stolons qui sont visibles sur la photo de droite ne sont pas explicités ; les inflorescences ont habituellement beaucoup plus de branches par nœud que ce que montre la photo p.144.
Lathyrus pratensis p.153 : il manque les rhizomes.
Ononis repens p.165 : il manque les rhizomes.
Vicia cracca p.185 : "tiges souterraines développées" mais ce sont à proprement parler des rhizomes, décrits par Korsmo (1954).
Vicia hirsuta p. 186 : "elle se maintient mieux dans les prés de fauche" mais sa maturité ne commence qu'en même temps que celle du blé ; elle ne peut se reproduire dans les prairies fauchées à une date normale.
Vicia sativa p.188 : "plutôt dans les prairies permanentes fauchées" mais la situation est identique à celle de l'espèce précédente.
Capsella bursa-pastoris p.192 : la photo montre une inflorescence et des fruits rougeâtres ce qui caractérise Capsella rubella ou C. x gracilis et non C. bursa-pastoris (cf. Stace, 1997).
Cerastium fontanum p.197 : "bisannuelle ou pluriannuelle" alors que c'est une pérenne stolonifère ainsi que l'indique Korsmo (1930).
Cirsium arvense p.139 : "rhizomes puissants" mais cette espèce se propage par racines (cf. Irmisch, 1851, Korsmo, 1930) ; les Cirsium à rhizomes de la région correspondent au groupe dissectum-tuberosum-filipendulum (non en photo dans l'ouvrage, visibles dans l'herbier de Lloyd au Musée Botanique d'Angers).
Juncus effusus p.209 : "de courts stolons favorisent son développement en touffes" mais le développement en touffes denses, constituées de juxtapositions de tiges orthotropes, correspond à une absence de tiges plagiotropes.
Luzula campestris p.211 : "souche rampante" et "anthères jaunes saillantes" mais on peut préciser plutôt que c'est une plante rhizomateuse (cf. Royer, 1881), et ses étamines sont beaucoup plus courtes que le périanthe.
Rumex acetosella p.223 : "reproduction végétative par rhizomes" alors que c'est une espèce à racines traçantes (cf. Van Tieghem, 1891, Korsmo, 1930).
Rumex obtusifolius : "les moyens de lutte sont identiques à ceux préconisés contre le Rumex crépu" mais la lutte mécanique est différente. En effet, le sarclage en tirant à la main sur la tige en montaison est généralement efficace contre Rumex crispus (l'essentiel de la racine pivotante est arraché), par contre R. obtusifolius qui tend à se casser au niveau du collet.
Ranunculus acris p.216 : "la multiplication se fait uniquement par graines… il faut éviter la prolifération par des fauches" mais la sous-espèce friseanus (répandue par exemple dans la vallée de la Loire et de la Sarthe, sur les sols calcaires) est stolonifère et les fauches fréquentes risquent de favoriser l'extension des stolons.
Sanguisorba minor p.227 : "certains auteurs la décrivent avec des rhizomes" mais en faisant abstraction de ce caractère pour la détermination, cette plante est dépourvue de tiges plagiotropes souterraines.
Taraxacum officinale p.234 : la photo de droite
montre des feuilles à lobes entiers (non découpés)
alors que cette espèce, ou au moins la section Ruderalia
a les lobes généralement découpés (cf. Stace,
n° 7 de la clé "leaves often complexly lobed and folded in
3 dimensions").
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