Méthodes descriptives des peuplements végétaux (et de la végétation).
Plan de cette page :
1 - Aperçu  des  méthodes  de  caractérisation  d'un  peuplement végétal. (pour les formulaires vierges à double échelle par parcours : pdf à part)
2 - Dépouillement d'un lot de relevés.
3 - La cartographie du peuplement végétal d'une station.

1 - Aperçu  des  méthodes  de  caractérisation  d'un  peuplement végétal

c'est-à-dire de la quantité (et/ou proportion) de chaque espèce dans une "station".


 Trois grands groupes de paramètres peuvent être évalués : la quantité de végétation, la densité des individus, la fréquence du taxon.

 Les évaluations de la fréquence de chaque espèce sont utilisables partout ; elles donnent surtout une idée de l'hétérogénéité dans la station. Il est pratique d'avoir 100 échantillons par station. Pour une estimation visuelle (approximation), la grille n'est qu'imaginée. L'aire de l'échantillon élémentaire est déterminante du résultat.
Les échelles d'hétérogénéité peuvent être évaluées de diverses manières (autocorrélation spatiale de Chessel ; étude de variance sur échantillons placés sur les lignes diversement réparties dans la station).

 Les méthodes basées sur la quantité de végétation sont valables pour des plantes suffisamment développées.

 Par contre les évaluations de la densité s'appliquent principalement à des plantules ou éventuellement à d'autres situations où les individus restent faciles à compter (ainsi, pour des stolonifères, la densité est un non sens). Parfois des densités d'inflorescences ou d'infrutescences peuvent servir ; mais, comme les distances inter-individuelles, ce sont plutôt pour des études de populations que de peuplement. Avec les dénombrements, diverses statistiques peuvent être réalisées : étude du type de distribution par les rapports moyenne/variance, soit l'agrégation, le hasard (désordre), régulier (très ordonné) ; et l'allure des histogrammes de distibution des effectifs par échantillon ; les échelles d'agrégation peuvent être évaluées par des grilles hiérarchisées, en relation avec l'autocorrélation spatiale. En général, l'agrégation est élevée ; autrement dit l'intervalle de confiance de la densité est grand.
 

mesures  précises
estimation  visuelle
quantité  de  végétation
- biomasse (pesée) 
- biovolume (dans une éprouvette) 
- recouvrement (%, LAGERBERG, 1916)
- recouvrement par numérisation d'images 
- points contacts (BRUCE LEVY, 1933 ; RIEPMA & al., 1963)
- échelle de biovolume par rapport à un témoin 
- échelles de recouvrement visuel en imaginant une projection au sol de chaque espèce (ex. BRAUN-BLANQUET, 1936*)
densité des individus
- dénombrements dans des placettes (CLEMENTS, 1905,...)
- distances inter-individuelles (paires au hasard, plus proche voisin, individu le plus proche d'un point au hasard) (COTTAM & CURTIS, 1949 ; GREIG-SMITH, 1957 ; PIELOU, 1974)
- échelles densitaires par placettes (ex. BARRALIS, 1976) 
- échelle densitaire Log. par parcours (CHICOUENE, 1991, 1997, 2000)
fréquence du taxon
- présence sur de nombreuses placettes (ex. CHESSEL) - échelle de fréquence par parcours (ex. en proportion approximative de m2 : CHICOUENE, 1997, 2000)

 
* l'échelle de recouvrement de BRAUN-BLANQUET pour le relevé de peuplement végétal :
"Le degré de recouvrement est déterminé par la projection verticale des organes aériens sur le sol 
et exprimé par la proportion... du terrain considéré par rapport à l'aire considérée..." (ALLORGE, 1922 p.48)

comprend 5 niveaux ou coefficents, appellés "abondance-dominance" :
La justification de ce nom composé "abondance-dominance" est  qu' il a historiquement (début 20è siècle) succédé et plus ou moins remplacé :
- les "5 coefficients d'abondance" (ressemblant à une fréquence subjective, allant de 5 "très abondant" à 1 "très rare")
- l'abondance relative ("dominant", "co-dominant",...).

(- taxon absent : on ne met rien ou on met 0 dans les tableaux comparatifs de relevés)
- 1 : recouvrement < 1/20
- 2 : de 1/20 à 1/4
- 3 : de 1/4 à 1/2
- 4 : de 1/2 à 3/4
- 5 : plus des 3/4
Il est à noter que cette échelle est présentée par son auteur avec un seul chiffre significatif. Malheureusement, des gens ont transformé cette échelle en %, c'est-à-dire avec 2 chiffres significatifs, ce qui est déraisonnable pour une estimation visuelle (de chaque espèce, tout comme pour l'estimation de la "végétation" ou des "strates" de certains auteurs).

Cette échelle est souple d'utilisation quant à la forme du relevé (du carré au parcours sinueux) et au paramètre noté (d'une part, recouvrement par taxon, d'autre part de toute la végétation, de la litière, de l'eau libre, ...). 

Elle est, à juste titre, très employée. Toutefois, un reproche qui peut être fait pour certaines utilisations est le manque d'étalement des bornes : 1/20 est trop élevé et 3/4 pas assez (l'amplitude n'étant que de 15) ; ainsi, certains auteurs retiennent d'autres bornes. Par exemple, si les espèces sont nombreuses, le risque est que la note "1" soit attribuée à toutes.

nombre d'échantillons par station :
 Il faut évidemment une adéquation entre le protocole et l'objectif de l'étude : l'objectif prioritaire est-il de caractériser l'hétérogénéité de la station ou simplement un échantillon représentatif (et/ou comparatif) par station ; cette question se pose principalement pour la "quantité de végétation".

 Les statistiques les plus rigoureuses sont permises par les dénombrements ou les biomasses dans un grand nombre de placettes (plutôt qu'un seul grand échantillon) ; mais ces statistiques ne sont valables que pour les espèces les plus fréquentes. Le nombre de placettes par station est fonction de la précision recherchée ; leur dimension dépend de l'objectif de l'étude et des moyens (ainsi, pour des raisons de commodité -c'est-à-dire pour éviter de marcher dans la placette-, dans les suivis non destructreurs, permanents, la dimension maximale est de 1 m2 -pour les plantules au moins-).
A l'inverse, les méthodes par distances ne permettent que des statistiques réduites (cf. DIGGLE P.J., BESAG J., TIMOTHY GLEAVES J., 1976 - Statistical analysis of spatial paterns by means of distance methods. Biometrics 32 : 659-667).
 

le parcours de station :
 Une station peut être prospectée par un parcours ;  le long de celui-ci,  l'utilisation d'une échelle de recouvrement ou d'une échelle densitaire donne une idée de la "moyenne" de la station. Cette dernière notion est valable si la distribution est régulière ou au hasard ; si l'agrégation est importante, la densité moyenne ne veut pas dire grand chose. Plus le parcours est long, plus la liste d'espèces est complète, et meilleure est l'évaluation des espèces les moins fréquentes. A surface équivalente, le parcours donne une meilleure évaluation qu'un carré.

 Par commoditié, la bande observée pour un parcours est souvent de 1 m de large. La longueur peut correspondre à des "diagonales" de la station, ou être plus réduite ou plus longue selon l'objectif de l'échantillonnage.
 

relation  entre  fréquence  et  recouvrement :
 Pour les mesures précises de fréquence, plus les échantillons sont petits et nombreux (en notant simplement la liste floristique) et plus la mesure se rapproche du recouvrement ; mais ces données ne sont valables que pour les espèces dominantes à condition que les individus aient un minimum de développement.
 

méthodes  permanentes / destructrices :
 Les mesures précises de biomasse ( en particulier sèche) ou de biovolume sont généralement destructrices car les individus sont prélevés (sauf pour des plantes de type lentilles d'eau qui, après biolume, peuvent être remises à l'eau) ; de même, pour les plantules, le simple piétinement de l'observateur sur un échantillon trop grand (s'il faut marcher dedans pour compter) peut être destructeur. Les autres méthodes sont utilisables dans des protocoles de suivis "permanents" des échantillons.

 Selon que l'objectif d'un protocole permanent est la différence statistique entre séries de stations ou la différence par station, la forme de l'échantillon n'est pas la même : si l'objectif est la différence par station, il faut minimiser les effets de bordure (c'est-à-dire préférer un carré à un parcours même si le carré est moins représentatif).
 

cas particulier des  relevés  forestiers :
 Pour les essences (espèces arborescentes), il est possible de compléter un paramètre tel que l'abondance-dominance en donnant une idée (un chiffre significatif) du D.B.H. (diamètre à 1.3 m de hauteur) des troncs  (un DBH de 0 signifie que les individus font moins de 1.3 m de haut) ; cette donnée peut être évaluée sur les individus dominants ou sur l'ensemble (ex. avec un intervalle de type "3-4 dm", ou "jusqu'à 4 dm" s'il a en plus des petits).
Des paramètres comme la surface terrière dépassent le cadre d'une évaluation de peuplement végétal.
 

remarques sur la "stratification" :
 Des relevés par strates ne se justifient que dans le cadre d'une étude sur l'architecture des forêts et dépassent le cadre du présent sujet. Toutefois, il est à noter que certaines personnes font des relevés de peuplement végétal en se référant à ce qu'ils appellent des "strates" qui sont généralement plus des subdivisions liées aux formes biologiques (ex. "strate herbacée") ou à la taxonomie ("strate bryo-lichénique") ; le terme de strate est ici inadapté ; ce type de relevé est confus, à éviter.
 

cas particulier des  plantules  par estimation visuelle :
 Les échelles de densité et de fréquence se complètent bien. Pour rédiger le relevé, il est pratique d'utiliser un formulaire à double échelle (densité et fréquence) pour plantules : pour chaque taxon, il faut cocher les cases correspondantes. Pour plus de détail : CHICOUENE, 2000.

les évaluations d'une population :
 Ne servant pas à comparer les taxons d'une station entre eux, mais uniquement à caractériser un taxon en tant que tel dans une station, les méthodes peuvent être plus souples et variées. En particulier, les paramètres de densité peuvent porter, non pas sur des individus (pour des raisons variées), mais sur des organes ; ex.
-tiges dressées d'herbacées, (voire distribution des diamètres de pousses)
-feuilles surtout quand elles sont insérées au niveau du sol sur stolons ou rhizomes,
-fleurs -idem- (ex. tulipes)
-inflorescences (ex. d'orchidées), fruits,...
 Ici, il faut souvent évaluer des contours de station dans un premier temps, et ensuite évaluer l'intérieur de la station.
 Pour les suivis entre relevés (ex. entre années ou entre stades), il convient de s'adapter à chaque évènement entre chaque relevé (ex. comparer des quantités de pousses à des effectifs d'infrutescences pour aborder le succès de la reproduction).
 Parfois, la méthodologie est plus poussée et relève des méthodes de démographie.


2 - DEPOUILLEMENT  D'UN  LOT  DE  RELEVES


 Le tableau taxons/relevés avec le ou les paramètres notés dans les cases peut être intéressant en soi ou constitue une étape du dépouillement. Cette étape peut consister à ordonner les taxons et les relevés du tableau (pour faire une typologie simultanée) en fonction de critères variables.

Ordonner un tableau "taxons x relevés" :
 Il est  possible d'ordonner un tableau "taxons x relevés" en fonction d'un paramètre quantitatif ou de faire des lots de relevés en fonction de paramètres qualitatifs ; ces paramètres peuvent être floristiques ou mésologiques (ex. comparer un lot avec pâturage à un lot sans pâturage). Les lots de relevés peuvent être comparés par la statistique en particulier avec les histogrammes de dispersion du paramètre noté lors du relevé ou d'autres caractères des taxons (ex. descripteurs biologiques). Un tableau peut aussi être ordonné en fonction du premier axe ou des deux premiers axes d'une analyse de données (ex. 1 Analyse Factorielle des Correspondances qui assure une classement simultané des taxons et des relevés).

 Les typologies établies peuvent être mixtes : floristiques et mésologiques (y compris géographiques). Pour certaines études la typologie est d'abord mésologique et ensuite on étudie la flore par milieu. On se méfiera des typologies uniquement floristiques ; le tableau est parfois dépouillé par des analyses de données qui ne renseignent que sur le baricentre, la méthode n'étant valable que si toutes les espèces ont la même fréquence ; de plus, on peut être tenté de chercher à définir des "unités" floristiques qui risquent de donner artificiellement une vision discontinue de la Nature (là où cela n'a pas lieu d'être).

Matrices statistiques :
 Pour chaque taxon, il est par exemple possible de faire un diagramme de dispersion du paramètre (pouvant être visualisé par des histogrammes).
ex.100 échantillons avec échelle de Braun-Blanquet :
taxon\ A.D.
 0
1
2
3
4
5
Poa annua
0
15
45
20
18
2
Plantago major
90
 2
4
3
1
0

 Avec des mesures permanentes, il est possible de construire différents types de tableaux (matrices) entre séries de données prises 2 à 2. Ces illustrations permettent de visualiser instantanément différents types de comportement des stations ; ensuite, les mécanismes ou explications des différentes situations sont à rechercher.

Ex. : un relevé piétiné l'an 1, non piétiné l'an 2 :
5
 Epilobium gr. tetr.  -  -  -  -  -
4
 -
Trifolium repens
 -  -  -  -
3
 -  -
Poa annua
Lolium perenne
 -  Agrostis murbeckii
2
 -
Sagina proc. 
Plantago major
 -  -  -  -
1
Lolium multifl. 
Plantago lanceo.
 -
Chamomilla sua.
 -  Polygonum aviculare ag.  -
0
-
 -  -  -  -  -
an 2 / an 1
0
1
2
3
 4
5
On voit que Lolium perenne est stable (sur la diagonale), Chamomilla suaveolens et Polygonum aviculare ont diminué (sous la diagonale), les autres ont augmenté (voire sont apparues : 1è colonne). Aucune espèce n'a disparu (la ligne "0" est vide).
Ce type de matrice est intéressant pour comparer un état initial et un état final, surtout quand le nombre d'espèces est élevé (>> 5 espèces). La diversité des comportement est évaluée d'emblée en voyant la matrice.

 Evolution d'une espèce dans 100 relevés, entre un état initial et un état final,

.
. . . . .
 6

.
. . . .
 12
 4 

.
. . .
 8
 2
 1

.
. .
 10
 2
 1
.

.
.
 10
 7
. .
 1

.
 30
 3
.
 1
 2
 1

an 2/an 1
0
1
2
3
4
5
Ce tableau indique que peu de stations sont stables (= sur la diagonale), les autres ont diminué (= elles sont sous la diagonale) : la plante est en régression, elle a même disparu de 7 stations. La comparaison avec des évènements survenus dans chaque station peut permettre de proposer des hypothèses explicant le phénomène global.


3 - La cartographie du peuplemement végétal
d'une station

Comment l'envisager ?
 Le souci fondamental est d'utiliser une méthode qui soit la plus reproductible possible.
En plus du peuplement s.s., les formations végétales peuvent être variées et faire l'objet d'une cartographie.

 Si l'étude est mixte, floristique et écologique, il est parfois plus pratique de faire des cartes par descripteurs mésologiques d'abord (ex. profondeur d'hydromorphie du sol). Ensuite, on peut essayer de caler un exemple ou des exemples de relevés de peuplements végétaux par unité mésologique.
 Quand la priorité est floristique, dans un but de gestion du peuplement végétal en particulier, il est généralement plus rigoureux (autrement dit plus reproductible : plus lisible par quelqu'un qui doit utiliser la carte sur le terrain, ou pour faire des suivis) d'envisager une carte par taxon, ceci pour certains taxons prioritaires (en extension -taxons "ingénieurs"- ou en régression dans la station). La carte par taxon peut renseigner :
- simplement sur la présence (ex. contour des fourrés de pruneliers dans une prairie)
- sur le niveau (ou l'état) de la population : hauteur, densité, recouvrement, phase de développement... aussi au préalable des classes sont à établir.

 Une carte directement d'unités de "peuplements végétaux" (c'est-à-dire plurispécifique) est souvent délicate à élaborer et à utiliser par la suite ; il faut faire attention à ne pas employer une méthode qui suppose des limites tranchées là où les variations sont progressives, dans tous les sens ; les délimitations seraient dépourvues de signification.

 Le maillage de la cartographie est défini en fonction de l'objectif de l'étude, lui même dépendant des moyens ou méthodes possibles.
"pixel" de la carte :
- quadrillage : le protocole est long ; il y a souvent un problème de repères du maillage ; il faut être à même de reproduire le maillage avec le moins d'incertitude possible sur sa position
- contours subjectifs de présence ou d'iso-hauteur, -densité... ; il est important de préciser l'incertitude dans l'emplacement des contours (ainsi des points GPS peuvent avoir une approximation supérieure à la dimension de station -si celle ci fait de l'ordre du m2-).
 

Conclusion : la méthodologie fonctionne en quelque sorte en rétroaction : les moyens à disposition conditionnent les protocoles, et vice-versa, et donc les buts de l'étude.



Daniel Chicouène.
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