Bien nommer les mauvaises herbes :
III. guide de références usuelles
principalement applicables à la France métropolitaine.

Daniel Chicouène, 2000 (envoyé à Phytoma-ldv en 2000)

Mots-clés : nomenclature, description, morphologie, bibliographie, plante
Résumé : L'objectif est de proposer un guide pour se servir au mieux des ressources documentaires disponibles pour déterminer les mauvaises herbes. Les principales références utilisables en France métropolitaine sont passées en revue ; en particulier un tableau présente le type de contenu de 9 ouvrages de détermination généraux et un autre tableau est réalisé pour 9 ouvrages adaptés à la malherbologie. Le cas des Graminées est développé. L'attention est attirée sur les risques de confusion liés à la description biologique. Aucune référence n'est idéale ; pour une liste d'espèces un panachage est praticable. Il est préférable d'envisager la vulgarisation par zone climatique restreinte.
Plan :
1. La recherche
2. La Vulgarisation
3. Cas des Graminées
4. Confusions morphologiques liées à la biologie
Conclusion

Introduction

La personne qui a besoin de nommer une mauvaise herbe doit emprunter les connaissances de la botanique selon certaines recommandations générales (CHICOUENE, Nommer I et II) pour les appliquer à une vaste littérature de détermination. Pour guider le choix de la référence de description à retenir, il faut disposer de repères dans la littérature ancienne et récente, et dans toutes les sources de connaissances en général. La qualité de la documentation est variable, elle nécessite une appréciation par des critères comparatifs.

La détermination plus ou moins précise s'appuie sur des tableaux comparatifs de taxons voisins, des illustrations (photos ou dessins), des clés, des catalogues de descriptions, la transmission orale. Les sources sont variées : botanistes, malherbologistes (officiellement de l'I.N.R.A., grandes écoles d'agronomie, structures professionnelles -I.T.C.F., A.C.T.A., Chambres d'Agriculture,...-, privés -avec le cas de la publicité-, amateurs hors statut). L'enseignement, en formation initiale ou permanente, est souvent limité à la phytopharmacie, les déterminations ont tendance à être négligées dans les formations spécialisées en protection des cultures. La formation permanente, restreinte (parfois sponsorisée par les firmes), permet de se former en un ou quelques jours à "apprendre à observer et raisonner" ; ensuite, des connaissances s'acquièrent progressivement avec l'habitude. Il reste à se référer correctement à des documents suffisamment fiables.

A destination prioritaire du malherbologiste s'initiant à la détermination des Plantes Vasculaires (pour la recherche fondamentale et appliquée ou pour la vulgarisation), ce travail a pour objectif de présenter, comparer et critiquer les principales références ayant des éditions ou rééditions relativement récentes (surtout depuis 1962, même si certaines peuvent déjà être épuisées), en particulier celles adaptées à la France métropolitaine, voire à l'Europe de l'ouest.



1.  LA  RECHERCHE

1.2. théorie
Les progrès en matière de détermination passent par la recherche en taxonomie mondiale et par des connaissances variées par espèce (certaines font l'objet d'études génétiques poussées) ou génériques (morphologie et biologie comparée clarifiant des concepts et du vocabulaire descriptif). La littérature intéressant la malherbologie comprend de la botanique (systématique, taxonomie, morphologie,...) et de la malherbologie (surtout des inventaires et la répartition des mauvaises herbes) ; elle est recensée dans des bases de données bibliographiques générales et dans des listes de publications sur Internet.

Les publications de recherche ont diverses formes :

- des revues spécialisées : en sciences naturelles (revues variées avec de la botanique, de l'écologie végétale), en malherbologie ou en agronomie ;

- des colloques : tels que ceux de l'Association Française de Protection des Plantes sur la "biologie des mauvaises herbes" et ceux de l'E.W.R.S. (European Weed Research Society) ;

- des mémoires (souvent mal diffusés ou pas disponibles) : fin d'étude de grandes écoles, Diplôme d'Etudes Approfondies (D.E.A.), thèses,... pour des inventaires régionaux, la taxonomie d'un genre.

Il existe des révisions régulières de la taxonomie (cf. "nommer. I") et des remises en cause de description et délimitation (à l'échelle mondiale ou seulement régionale), de répartition. Quand la recherche est faite sérieusement, le polymorphisme est étudié. Une bonne révision taxonomique respecte la terminologie morphologique, critique tous les anciens critères de la taxonomie du groupe étudié ; les critères retenus doivent dans la mesure du possible être exprimés par de la biométrie, avec une prise en compte de la variabilité ; si le rang taxonomique est changé, un argumentaire doit être fourni.

1.2. pratique
Les conditions qui viennent d'être exposées ne sont pas forcément respectées. Ainsi, tous les articles de recherche publiés ne constituent pas forcément un progrès (cf. CHICOUENE, 1999) et les polémiques sont fréquentes. Si parfois des révisions ou corrections sont faites, c'est que les écrits ou connaissances précédantes étaient plus ou moins erronnées ou confuses. On peut souvent déplorer que le débat entre chercheurs au travers de simples courriers des lecteurs concernant des articles venant d'être publiés soient refusés par les revues.

La phytogéographie va de la répartition mondiale à la répartition régionale. Cette dernière fait actuellement l'objet de la réalisation de nombreux atlas de répartition tels que ceux coordonnés par l'Atlas de Flora Europaea, par les Conservatoires Botaniques Nationaux, par des initiatives associatives et privées variées. Généralement, de telles études ont généralement des soucis d'exhaustivité, et incluent donc les milieux cultivés. Des statistiques sont faites sur la répartition des taxons. En Europe, les inventaires s'alignent souvent sur Flora Europaea, ouvrage qui nécessite parfois des compléments (additions et corrections). Une difficulté de ces inventaires est que dans certains cas les descriptions disponibles sont insuffisantes pour faire les déterminations (espèces omises ou mal décrites). De plus, les index de synonymes taxonomiques sont parfois utilisés abusivement, comme s'ils établissaient la véritable correspondance entre les références de détermination.

Toutes ces données servent de base à l'élaboration de documents de vulgarisation variés, sensés être adaptés à une aire géographique donnée. Aussi, les références vulgarisant l'état des connaissances sont de qualité variable selon les sources prises en compte qui ne sont pas forcément bien évaluées. Ces synthèses peuvent être imparfaites pour 2 raisons :

- elles ne sont pas forcément complètes et à jour (cas de synthèses partiales quand existent des publications de recherche contradictoires), parfois sous prétexte de simplification,

- des aspects sont "originaux" dans le sens péjoratif, c'est-à-dire avec des affirmations inventées (à la limite de la fraude scientifique) ou avec une taxonomie et une nomenclature non publiée antérieurement comme s'il s'agissait d'une publication dans une revue de recherche (à comité de lecture approprié).

La vulgarisation n'étant généralement pas argumentée, sa qualité est plus difficile à évaluer que celle des publications de recherche ; une expérience personnelle est nécessaire. La documentation de vulgarisation est donc examinée ci-après.


2.  LA  VULGARISATION

Différents niveaux de vulgarisation existent, s'adressant depuis des praticiens variés non chercheurs ou chercheurs dans une discipline précise, jusqu'à l'agriculteur intéressé. Nous allons passer en revue la documentation en botanique, puis en malherbologie ; ensuite le cas particulier des Graminées est exposé. L'intérêt et les limites de chaque référence sont mis en évidence.

2.1. Littérature floristique générale
La littérature floristique consacrée à la détermination est vaste ; chaque référence concerne tous les milieux d'une zone géographique ; il n'existe rien de mondial. Généralement des individus adultes complets sont nécessaires. Il s'agit surtout de livres (ceux qui ont des éditions récentes sont passés en revue - tableau I) mais il est parfois nécessaire de recourir à quelques publications complémentaires dans des revues.

Flora Europaea (TUTIN & al., 1964-1992) est la plus vaste synthèse, mais devenant incomplète pour les adventices très récentes ; il existe des compléments sous la forme d'articles concernant le vocabulaire ou la flore. Par ailleurs, des photos de nombreuses espèces sont visibles sur le site "flora of Europe" sur Internet (http://utopia.knoware.nl/users/aart/index.html).

Pour la France métropolitaine et les environs, 3 ouvrages français sont réédités régulièrement au cours du XXème siècle :

- BONNIER : attribue des noms français au XIXème siècle (non actualisés et ainsi parfois devenus sources de confusion), le nombre de volumes varie selon les éditions ;

- COSTE (1901-1906) : 3 volumes et, depuis 1972, des suppléments,

- FOURNIER (1961 pour l'édition complétée) : 1 ou 2 volumes selon les éditions, cet ouvrage est à privilégier par rapport aux 2 ouvrages précédents car il est parfois plus précis et la flore plus complète.

Des ouvrages à peu près complets sont valables pour l'Europe tempérée océanique. Plusieurs sont faits initialement pour les Iles Britanniques ; certains sont adaptés en français et comprennent généralement plusieurs éditions. Les principaux sont (cf. deuxième partie du tableau I) :

- en anglais : STACE (1997, ouvrage global le plus à jour pour les adventices récentes), HUBBARD (1954, avec une traduction allemande) pour les Graminées indigènes (pas les adventices récentes) ;

- en français, traduits de l'anglais : BLAMEY & GREY-WILSON (1991, Dicotylédones et certaines Monocotylédones), FITTER & al. (1991, le complément des Monocotylédones et les Ptéridophytes) ; ces 2 ouvrages ont des listes floristiques qui se complètent pour les Plantes Vasculaires ;

- en français d'origine : la "Nouvelle Flore de la Belgique, du Grand-Duché de Luxembourg, du nord de la France et des régions voisines" (LAMBINON & al., 1992).
 

De nombreuses régions disposent de leur ouvrage régional (et parfois d'un herbier d'adultes) présentant la répartition, l'écologie, la fréquence régionale ; c'est le cas du Massif Armoricain,...

Il existe d'autres ouvrages, à utiliser avec prudence à cause soit d'un vocabulaire et d'expressions inapropriés rendant la description incompréhensible, soit d'une liste floristique fort incomplète, soit les deux.

Ainsi, la botanique fournit des inventaires par grandes zones climatiques ou régions ; ils sont mis à profit en malherbologie. Comme toujours en sciences, un examen critique est nécessaire.
 
tableau I : principaux ouvrages de détermination généraux utilisables en France métropolitaine
 
clé(-s)
description (catalogue)
illustration(-s)
observations*
A - utilisables sur toute la France métropolitaine
Flora Europaea, 
Tutin & al.
succinctes
complète
non
anglais, la plus complète
Bonnier
non
oui
c.toujours, une seule, couleur
souvent limité à des connaissances du XVIIIème siècle
Coste
succinctes
oui
toujours, plusieurs organes, noir
-
Fournier
développées
non
pas toujours, plusieurs organes, noir
plus complète que Coste et Bonnier
B - pour le climat tempéré océanique
Blamey & Grey-Wilson - des familles
- des genres pour 9 grosses familles
succincte
toujours, couleur, plusieurs organes
Dicotylédones, Monocotylédones entomophiles
Fitter & al.
très succincte, formules
succincte
toujours, couleur, plusieurs organes
Ptéridophytes, Monocotylédones anémophiles
Stace
succinctes
variable
parfois un organe, noir
comporte la plupart des adventices récentes, anglais
Hubbard
succinctes
complète
toujours, plusieurs organes, noir
Graminées indigènes, anglais
Lambinon & al.
souvent succinctes
non ou succincte
parfois un organe, noir
-
                                       * sauf indication contraire, c'est en français et pour toutes les plantes vasculaires
 

2.2. Littérature spécialement malherbologique

La malherbologie des grandes cultures se limite à la flore vasculaire en général. Les "flores" de la malherbologie ne comprennent que les milieux cultivés, ce qui fait moins d'espèces que les "flores" générales pour une même aire géographique (5 fois moins est un ordre de grandeur, pour certaines régions au moins).

Ces références vont d'ouvrages ressemblant aux "flores" de la botanique en général (c'est-à-dire avec les adultes fertiles), jusqu'à des ouvrages présentant les plantules et la biologie de chaque taxon. Ce qui fait la différence entre les références est le groupe taxonomique traité, le nombre d'espèces, la phase de développement, la zone géographique, la précision des descriptions. A la différence des "flores" générales, aucun ouvrage de malherbologie n'est complet pour une zone géographique.
 
tableau II : aperçu des principaux ouvrages de détermination 

des mauvaises herbes pour la France métropolitaine

 
taxons concernés : nombre, type
adultes
fertiles
plantules et phase végétative
texte par espèce
Jussiaux & Péquignot, 1962 39 Angiospermes
-
dessin
description
Guyot & al., 1962 80 Angiospermes
-
dessins
description
Häfliger & Brun-Hool, 1975 c.400(127 genres) Rhizophytes
dessin
dessin
description par
1 tableau par genre
Behrendt & Hanf, 1979 63 Graminées
photos
photos
clé, description
Hanf, 1982 716 Dicotylédones
photo
photos avec répétitions
description, 
quelques tableaux
Montégut, 1982 c. 150 pérennes Rhizophytes
photo,
dessin(-s)
- ou 
parfois dessin
description
Jauzein & Montégut, 1983 c. 90 Graminées
photo,
dessin(-s)
dessins, 
souvent photo
clés, description
Jauzein, 1995 c. 1400 Rhizophytes
souvent dessins
photo rare
-
clé, 
quelques tableaux
Mamarot, 1996 186 Rhizophytes
photo, parfois dessin
photo,
dessin
clé, description, quelques tableaux

2.2.1. au niveau mondial

Au niveau mondial, les mauvaises herbes les plus importantes font l'objet de 2 ouvrages concernant surtout les adultes, avec des illustrations, une description (en particulier biologique), la répartition mondiale :

- HOLM & al. (1977), en anglais, présentent les 76 espèces jugées principales ; pour certains taxons, la présence dans des pays est indiquée sur une planisphère (carte pointée) ;

- la collection éditée par Ciba-Geigy (multilingue : anglais, français, espagnol, allemand), plus complète, commence par 2 volumes (en 1980) sur les Graminées, avec 279 espèces ; la présence des taxons est indiquée pour la plupart des pays (une case correspond à la France métropolitaine).

2.2.2. documentation intéressant en particulier la France métropolitaine

Les formes de la documentation sont variées.

- Les ouvrages de malherbologie sont nombreux (9 sont retenus au tableau II) ; la plupart traitent à la fois de la phase végétative et des adultes, parfois des graines en plus ; la plupart comportent des illustrations (de qualité variable) de presque tous les taxons abordés, ce qui est intéressant d'un point de vue pédagogique. Toutefois, la "flore des champs cultivés" de JAUZEIN (1995) qui comporte la liste d'espèces la plus longue n'aborde que les adultes (surtout par une clé succincte). Pour les plantules, les ouvrages les plus complets sont celui de HANF (1982) sur les Dicotylédones d'Europe et celui de JAUZEIN & MONTEGUT (1983) pour les Graminées ; ces 2 ouvrages incluent également les adultes. Les ouvrages de HAFLIGER & BRUN-HOOL (1975) et de MAMAROT (1996) présentent l'ensemble (à savoir les Rhizophytes et les phases végétative et adulte) mais leur liste d'espèces est plus réduite. L'ouvrage de MONTEGUT (1982) aborde les principales espèces d'une forme biologique (les pérennes).

- Des articles synthétiques compilent divers travaux : dans Phytoma, existent quelques "monographies des mauvaises herbes" (ayant plus pour objet la biologie que la détermination), les mises au point de CHICOUENE pour l'ouest (1991, sous la forme de compléments à Flora Europaea pour la malherbologie ; 1996, réactualisé pour Panicum et Setaria en particulier) sont des additions ou corrections ponctuelles.

- Deux logiciels principaux permettent de déterminer des mauvaises herbes : HYPP (Hypermedia pour la protection des plantes, de 1996, en outre en français et en anglais) intéresse l'Europe occidentale, Malherb (1992) est plus spécifiquement français, avec 490 adultes et 350 plantules.

- La publicité faite par les firmes (souvent orientée sur les taxons détruits par un herbicide) et où les déterminations sont abordées comprend des illustrations le plus souvent, rarement des clés de texte, des échantillons en pots (expositions), voire en pleine terre (lors de salons, démonstrations).

- Des préconisations et mises en garde avec des documents succints de reconnaissance à destination des agriculteurs et adaptés à des problématiques locales sont élaborées par diverses structures professionnelles ; dans les Chambres d'Agriculture des brochures sont produites (par exemple par René Diverres dans le Finistère).

Parmi toute la littérature analysée, la présentation la plus pertinente est celle de HAFLIGER & BRUN-HOOL qui consiste en des tableaux comparatifs relativement complets, combinant dessins et texte (avec les rubriques morphologiques, biologiques, géographiques) ; c'est une présentation comparée presqu'idéale mais ce serait mieux d'avoir des répétitions d'illustrations comme le fait HANF. Cet ouvrage devrait ainsi servir de modèle pour les nouvelles références, l'objectif étant l'amélioration de la mise en forme et de la compilation d'information.

2.2.3. références étrangères

Les ouvrages de 3 auteurs, utiles pour la détermination, sont cités :

- KORSMO (auteur norvégien) a produit 2 ouvrages intéressants pour l'Europe tempérée, avec des descriptions précises ; l'un est orienté surtout sur la biologie (de 1930, avec 208 espèces, comportant une version norvégienne et une version allemande), l'autre plutôt sur l'anatomie (de 1954, avec 100 espèces, en anglais) ;

- MUENSCHER (1955), adapté à l'Amérique du nord tempérée, est intéressant pour la biologie ;

- CHANCELLOR (1966) représente le dessin précis de plantules d'environ 120 Dicotylédones.

Sur Internet, des sites canadiens sont conçus spécialement en malherbologie.


3. Cas des Graminées
Spécialement sur les Graminées, il y a déjà 2 ouvrages dans le tableau II (BEHRENDT & HANF, 1979, et JAUZEIN & MONTEGUT, 1983), 1 dans le tableau I (HUBBARD avec de nombreuses éditions) et un autre cité pour la malherbologie mondiale (les 2 volumes de la collection Ciba-Geigy, de 1980-1981). Les Graminées sont souvent rebutantes pour le débutant, probablement car le texte et les critères prennent de l'importance par rapport aux illustrations et à la reconnaissance automatique ; en effet, tandis que les formes des limbes et l'aspect des fleurs sont fort variés chez les Dicotylédones en général, chez les Graminées les limbes aériens se ressemblent et les fleurs sont discrètes.

De plus, dans certains ouvrages (tels que Flora Europaea et des "flores" générales françaises) les erreurs et des lacunes sont courantes et divers travaux de morphologie datant parfois du début du XIXème siècle ne sont pas intégrés (ainsi que nous avons eu l'occasion de le publier à diverses reprises, en particulier pour les inflorescences, les tiges plagiotropes, le tallage). La notion d'échelle de temps en matière d'intégration des progrès de la botanique à la malherbologie n'est pas évidente à l'examen des difficultés de communication à l'intérieur de la botanique déjà.

Avec l'inflorescence, la détermination du genre n'est pas plus difficile que pour d'autres plantes à condition de se servir d'une bonne référence. Ainsi, à partir d'un travail de morphologie comparée sur la diversité des silhouettes d'inflorescences, CHICOUENE (1998) propose un guide pour la zone tempérée océanique.

En phase végétative, il faut souvent être minutieux en analysant de multiples caractères morphologiques de détermination (au moins 50 sont possibles -données inédites-). L'automatisme marche moins bien, au moins pour les débutants. Souvent il faut observer des plantules non mouillées (une rosée rendant l'observation difficile ou impossible).

Pour les plantules, parfois il faut une description par numéro de feuille (au moins pour les 3 premières), en particulier pour les estivales (l'idéal est de consulter une collection vivante des espèces à comparer, semées à diverses dates) en raison de la forte hétéroblastie. En général pour utiliser les clés de la littérature, il faut attendre au moins que la troisième feuille soit adulte (situation des références du tableau II, sauf de MAMAROT qui évoque l'hétéroblastie de certaines espèces).


4. Confusions morphologiques liées à la biologie

Dans de nombreuses références, les déterminations sont perturbées par des confusions de divers ordres entre organes ; une terminologie élémentaire n'est pas respectée avec, d'une part, des organes identiques recevant des noms différents, d'autre part, des organes différents appelés du même nom.

• Les confusions peuvent concerner la distinction entre tiges plagiotropes aériennes et souterraines ; c'est la situation des ouvrages cités au tableau I sauf HUBBARD, et dans une moindre mesure JAUZEIN (1995) et MAMAROT (1996) ; ces 2 derniers ont une terminologie lourde, non homogène (pour leurs "stolons hypogés", il s'agirait apparemment d'une classe de profondeur des rhizomes utilisée pour certaines espèces seulement, les "stolons hypogés" seraient toujours peu profonds, les rhizomes pourraient l'être plus). Pour les Graminées armoricaines, des problèmes de Flora Europaea sont corrigés par CHICOUENE (1989).

La longueur relative des tiges plagiotropes par rapport à la plante dans son ensemble se fait habituellement avec l'expression de la longueur des entre-noeuds par rapport à leur largeur (avec les 3 classes : leptomorphes, mésomorphes, pachymorphes) ; cette terminologie bien codifiée n'est malheureusement utilisée que par peu d'auteurs en malherbologie (aucune des références citées dans les tableaux de cet article).

• Différents types d'organes souterrains sont également souvent confondus :

- organes plagiotropes et orthotropes (c'est-à-dire éventuellement entre plantes stationnaires et à propagation végétative plagiotrope) : ainsi certains auteurs utilisent "rhizome" tantôt pour toute tige souterraine, tantôt uniquement pour les tiges souterraines plagiotropes (sens souvent défini dans leur lexique) ;

- racines et tiges : certains auteurs désignent encore comme l’Antiquité par "racine" tout ce qui est souterrain, d'autres utilisent "rhizome" pour racine traçante (normalement suite de racines secondairement plus ou moins tubérisées), d'autres retiennent "drageon" (selon les auteurs, c'est une multiplication soit par tige -ROYER, 1881-, soit par racine traçante -dans de rares références récentes : MONTEGUT, JAUZEIN, MAMAROT-, soit les 2), d'autres enfin employent "souche traçante" qui est une expression vague (rencontrée dans beaucoup d'ouvrages généraux français) ; pour Flora Europaea qui comporte les 2 premiers cas ("racine" pour "organe souterrain" et "rhizome" pour "racine traçante"), des corrections sont indiquées par CHICOUENE (1988 et 1991).

Les références explicites et exactes (qui suivent leur lexique -quand il existe-) à conseiller sont en particulier KORSMO, MUENSCHER, la collection de Ciba-Geigy, HUBBARD (Graminées), MONTEGUT & JAUZEIN (Graminées).

Les confusions morphologiques liées à la biologie ne sont pas forcément simples à interpréter ou à démontrer ; c'est également le cas d'autres critères complémentaires importants tels que les saisons de végétation (souvent incompréhensibles). Les tubercules ne sont pas forcément explicités dans les références présentées, leur nature morphologique non plus. Des distinctions entre annuelles et pérennes laissent parfois à désirer également mais cela ne constitue pas un obstacle à la détermination à condition de ne pas prendre en compte ce critère. La prudence vis-à-vis de ces indications est à recommander, voire l'abstraction de ces critères pour la détermination tel que c'est conseillé par CHICOUENE (1991 et nommer I).


CONCLUSION

La détermination de l'espèce, étape importante en malherbologie, fournit simplement un nom et une référence qui sont une base de communication. Compte tenu de l'état de la littérature, les autres caractères importants en malherbologie (éléments de biologie, de lutte) sont à envisager dans des références différentes de celles servant à la détermination. Ceci est à faire en prenant en compte les difficultés courantes de correspondance de noms.

La recherche en taxonomie est vulgarisée dans le sens d'une application aux déterminations grâce à la morphologie dans de nombreuses "flores" générales (théoriquement adaptées à une entité géographique) et dans certaines orientées en malherbologie. La valeur de ces références est variable ; certaines ont des listes d'espèces plus complètes mais parfois leurs descriptions sont moins bonnes. Il reste des progrès à faire dans la prise en compte de la morphologie comparée ; pour cela, les tableaux comparatifs sont plus rigoureux que les clés pour mener à bien une détermination. Il n'apparaît pas de référence idéale en botanique ou en malherbologie. Autrement dit, ces références sont globalement complémentaires ; toutefois, certaines ou certains aspects de certaines sont à utiliser avec prudence, parfois même à déconseiller ; on ne peut donc en préconiser qu'une seule, même parmi les meilleures. Alors, lors d'un inventaire, un panachage de références est souvent nécessaire pour établir la liste d'espèces. Et le travail est à faire en priorité avec des plantes adultes et des ouvrages de détermination généraux. Ainsi, le mieux pour un échantillon est de faire des vérifications ou recoupements entre plantules et adultes si c'est la première fois que l'on rencontre le taxon. Dans tous les cas, même avec l'habitude, la préconisation qui ressort est de suivre de préférence une référence la plus complète possible au niveau de la liste d'espèces voisines et de la liste de caractères différentiels.

La vulgarisation et la formation permanente en reconnaissance sont plutôt à envisager dans des entités géographiques restreintes telles que l'échelle régionale ou la zone climatique ; ceci permet de disposer d'une liste réduite d'espèces probables et donc à surveiller ou à connaître dans un contexte agronomique donné. Par contre, les formes biologiques et les réponses aux méthodes de lutte sont à envisager à vaste échelle, dans l'aire de répartition de chaque taxon. Un problème est aussi des polémiques existant sur les descriptions d'organes plagiotropes et/ou souterrains, des organes d'hivernage, d'estivation et de nombreux autres descripteurs importants par rapport à la lutte. Un manque de synthèse botanique incluant correctement la biologie est flagrant ; pour faire la bibliographie (ouvrages mondiaux et étrangers en particulier), une mise au point sur la façon d'envisager les formes biologiques est nécessaire. Il existe aussi les références sur la lutte (non abordées ici) de portée souvent trop limitée car les déterminations ne sont pas toujours faites ou sont inutilisables ; pourtant la vaste documentation analysée pour la détermination permet de travailler dans des conditions relativement correctes même si elle n'est pas idéale. Une bonne utilisation de cette ressource botanique nécessite d'en prendre la peine ; un minimum de compétence dans la communication des déterminations doit être exigé comme garantie pour une personne qui s'engage dans l'expérimentation ou dans la vulgarisation en lutte contre les mauvaises herbes.



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Remerciements : pour leurs remarques sur le manuscrit, à
Ivan BERNEZ (Instituto Superior de Agronomia, Lisbonne)
Hervé DANIEL (Institut National d’Horticulture, Angers)
René DIVERRES (Chambre d'Agriculture du Finistère)


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